Audrey Morrissey : Mon expérience de l’industrie du sexe n’a rien eu à voir avec un choix.

Bientôt le 8 mars… Je reprends juste ce témoignage, sans rien y ajouter ou retrancher.
Bonne lecture. A+ Caillou

Audrey Morrissey : Mon expérience de l’industrie du sexe n’a rien eu à voir avec un choix.

J’avais 16 ans la première fois que l’on m’a vendue pour du sexe. Mon copain m’a dit que si je l’aimais, lui et notre fille, j’accepterais de faire la rue pour que nous puissions avoir une vie meilleure. Il m’a amenée à croire qu’il n’y avait pas d’autres options. Il m’a convaincue que je ne le faisais pas pour lui, mais pour nous.

Je sais qu’il y a des femmes qui disent qu’elles font cela de leur plein gré – elles se qualifient de « travailleuses du sexe ». C’est peut-être leur vérité, mais ce n’est pas la mienne.

Ce n’est pas non plus la vérité des centaines de filles à qui j’ai servi de conseillère depuis 12 ans au sein de l’organisation Ma Vie Mon Choix.

A l’époque, je trouvais cela autonomisant : je gagnais de l’argent, je soutenais ma famille. Mais avec le recul, je me rends compte aujourd’hui que je n’avais pas le contrôle – j’étais exploitée. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de mes connaissances qui ont traversé l’industrie du sexe vous diront que le choix n’a rien à voir là-dedans. Elles vous parleront des traumatismes, du fait de se sentir prise au piège, et de la drogue qu’on enfile juste pour tenir une nuit de plus. Voilà ce que ç’a été pour moi et pour tant d’autres, et nous en portons encore les cicatrices. J’entends des gens dire que la prostitution est un crime sans victime, et que les adultes consentants devraient être autorisés à faire ce qu’ils veulent derrière des portes closes. Cela sonne bien, mais le commerce du sexe est loin d’être entièrement consensuel. Il est peuplé de jeunes filles, d’enfants vampirisées par des exploiteurs qui cherchent à transformer leur vulnérabilité en argent comptant. Pourquoi ? Parce que cette vulnérabilité est précisément ce que veulent les acheteurs de sexe.

Le fantasme numéro un des acheteurs de sexe est la jeunesse. Quand j’étais dans ce milieu, un micheton m’a dit qu’il me donnerait plus de fric si je lui trouvais une fille de 14 ans, et les filles que je conseille aujourd’hui me racontent des récits tout aussi effroyables. Vous ne pouvez pas avoir une industrie du sexe adulte et ne pas voir des enfants qui s’y font prendre – la demande est telle de la part des acheteurs de sexe qu’il y a énormément d’argent à se faire pour les proxénètes.

Quand des gens parlent de décriminaliser l’industrie du sexe, ce qu’ils disent vraiment est qu’ils trouvent normal d’acheter des gens et de les traiter comme des objets. Parce que telle est la nature de la majorité de l’industrie du sexe : des gens qui ont de l’argent ou du pouvoir font leurs quatre volontés avec une personne moins fortunée qu’eux. Je ne peux accepter cela.

Le « droit » pour quelques personnes de vendre du sexe n’annule pas le droit à ne pas être achetée pour l’ensemble des personnes blessées dans ce système. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les enfants et les adultes vulnérables qui sont mâchés et crachés par cette industrie. Moi, je n’ai pas eu de choix. Les filles avec qui je travaille aujourd’hui n’ont pas eu de choix non plus. Nous n’avons pas pris de décision ; une décision a été prise pour nous. Voilà les personnes que nous devons protéger. Voilà pour qui je me bats.

Audrey Morrissey, directrice adjointe de My Life My Choice et survivante de la traite, initialement publié sur le blog du site www.demandabolition.org

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *