Commémorations… Charonne, 8 février 1962

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Metro Charonne 8 fevrier 1962

Regarde ce vieillard qu’on nous montre, bien habillé et goguenard, devant quelques juifs indignés et des juges débonnaires, regarde le et rappelle toi, qu’il a été puissant et craint.

C’était il y a cinquante ans bien sûr, puisque ce faux procès sans sanction ne peut lui être imposé que pour des crimes commis entre 1942 et 1944, et qu’il aura fallu quinze ans d’efforts pour arriver à l’y traîner.

Mais je me souviendrai toujours de ce camarade des Jeunesses Communistes, ouvrier métallurgiste, grand gaillard toujours enthousiaste, gros-bras de toutes les manifs, prêt à toutes les bagarres, s’effondrant en pleurant comme un gosse un soir où il nous racontait Charonne et ses neufs morts. C’était en 1965, trois ans après.

Mais je me souviendrai toujours de mon seul flic cogné, tombé, trainé, en sang, devant les grilles de St Germain des Prés, en mars 68, aux cris de Charonne! tandis que les maos scandaient leur imprononçable: La lutte du peuple est invincible. C’était cinq ans après.

Mais je me souviendrai toujours de ce film interdit Octobre à Paris enfin vu, des années plus tard, de cette re-découverte dans les années 70 des ratonnades massives par la police parisienne, des Algériens jetés à la Seine, de cette honte absolue parce qu’oubliée et qui, depuis a recouvert Charonne.

Alors, si le ministre de l’intérieur de de Gaulle, Roger Frey, est mort dans son lit, si le grand général est devenu intouchable dans la mémoire collective j’avoue mon plaisir à voir le préfet Papon traîné devant des juges.

Regarde ce vieillard. Il a incité, ordonné et couvert ces massacres, mais personne, plus personne, ne peut lui demander judiciairement des comptes au nom des neufs victimes de Charonne et des deux cents algériens tués par balles ou noyés.

Le mérite de ce procès c’est au moins de faire remonter à la surface cette période des années de plomb de la guerre d’Algérie et du gaullisme triomphant.
Même si c’est, depuis longtemps, de l’histoire ancienne !

Caillou de mémoire

Éditorial du Coquelicot N°13 d’octobre 1997, à l’occasion du procès Papon. Celui ci est mort dans son lit et a été inhumé, (avec sa légion d’honneur),
le 21 février 2007.

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