11 mai

Cet habit neuf dans le placard
je ne l’ai pas utilisé
depuis la fête l’été dernier.
Mais lundi 11 je vais le mettre
pour fêter la levée d’écrou.
Non, je ne mettrai pas ce masque !
Avec une belle chemise blanche
et ton foulard autour du cou.
La soie en souvenir de nous.
Je cueillerai le matin même
les iris du jardin, si beaux.
Avec mon bouquet de lumière
j’irai à notre rendez-vous.
Et quand enfin je te verrai
Après ces 6 semaines d’absence
nos regards seront si profonds.
Trempé de larmes je serai.

Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnés par Annick:
Neuf – soie – iris – lumière – profond – trempé

Caillou le 6 mai 2020

Et le texte de Maryse

La vie

人生

La lumière du soleil faisait scintiller les ardoises de la cour trempée de rosée. Satoko se réveilla, courbatue par les travaux de jardin de la veille, peina à se déplier hors du lit. Pourtant, il fallait qu’elle se presse. La veille, elle avait reçu un télégramme “j’arriverai par le bus de midi” signé Yukio. Elle voulait l’accueillir comme au temps de leur première jeunesse. Les années n’avaient pas épargné son visage et il faudrait quelques artifices pour qu’il retrouve son teint de porcelaine. Elle sortit dans la cour respirer l’air pur du matin, fit quelques exercices d’assouplissement, puis rentra préparer le thé. Elle pensait “neuf ans qu’il est parti”, elle ne l’avait pas retenu. Il voulait se mettre à l’écart du monde, seul pour écrire sa vie. Pendant toutes ces années, aucune nouvelles. Mais elle le savait, il était vivant. Elle relisait le télégramme. Elle l’imaginait vieilli, heureux d’avoir atteint son but. Et tout ce qu’il lui raconterait ! Elle était née à Tokuri et à part quelques visites à la ville, son univers c’était Tokuri.

Elle s’affaira dans la maison, vérifia le moindre détail. Rien n’avait changé depuis son départ. Elle alla au jardin cueillir quelques iris qu’elle mit dans un vase sur la balustrade du perron. De retour dans sa chambre, elle sortit de l’armoire le kimono en soie qu’il lui avait offert avant son départ et l’étala sur le lit. Elle ne l’avait jamais porté, le gardait religieusement pour son retour. Elle remplit d’eau le grand baquet en bois, y jeta une poignée de sels parfumés et s’allongea. Elle ferma les yeux et s’assoupit un bref instant. 10h déjà ! Vite elle sortit, se sécha vigoureusement, s’assit devant sa coiffeuse, brossa sa chevelure qui n’avait rien perdu de sa vigueur et fit deux tresses qu’elle fixa sur le dessus avec un peigne de nacre. Elle poudra son visage, une touche de rose sur les joues, teinta ses lèvres. Elle resta un instant à se regarder dans le miroir, sourit. Elle avait oublié qu’elle était encore belle. Elle enfila le kimono, noua la ceinture, mit ses chaussons noirs et alla l’attendre sur le perron. Elle le vit au bout de l’allée qui s’avançait, voûté. Il s’arrêta, se redressa et d’un regard embrassa tout l’espace. Il s’avancèrent l’un vers l’autre, il lui tendit les bras.
” j’ai brûlé tout ce que j’ai écrit” dit-il. “Il m’a fallu toutes ces années pour comprendre que ma vie est inscrite ici, dans la maison que j’ai bâtie, la terre que j’ai travaillée, les arbres que j’ai plantés. Il me suffit de regarder, ma vie est écrite ici. ” Il poussa un profond soupir, l’enlaça et dit “continuons à vivre notre vie, ici, ensemble.”

4 réflexions au sujet de « 11 mai »

  1. Très beaux, les deux textes .
    Retrouvailles pleines de tendresse.
    Merci

    ( qu’allons-nous retrouver ? Qui allons-nous retrouver ? )

  2. Oui très beaux textes; j’ai beaucoup aimé; j’ai des problèmes d’ordinateur et j’en ai encore quelquefois. Je vais faire venir un spécialiste.. Et je pourrais t’écrire plus souvent.
    J’ai à peu près fini mon futur livre en basque

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