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Le livre du Général Merlin

Il est souvent cité dans les articles sur les Femmes Soldats Françaises, les Merlinettes. Voici le texte intégral de cette brochure qui date de mars 1947
On en excuseras le discours paternaliste, machiste, qui en dit long sur les conceptions de ces temps anciens. Mais la tendresse, l’admiration et la bienveillance y sont aussi présentes. Et ce texte donne beaucoup d’informations très utiles pour comprendre la formation de cette unité oubliée! 

LES FEMMES DANS L’ARME DES TRANSMISSIONS

Et quand le soir viendra de toute plénitude,
C’est elle la savante et l’antique bergère,
Qui ramassant Paris dans sa sollicitude
Conduira d’un pas ferme et d’une main légère
Dans la cour de justice et de béatitude
Le troupeau le plus sage à la droite du Père.
Les Tapisseries de Charles Péguy.

Le seul titre de cette chronique fera sourire peut-être nos jeunes et nos Anciens qui trouvent étrange la présence des femmes dans notre Arme, et pourtant j’aborde ce sujet sans aucun esprit de frivolité, bien au contraire.
Cette question réveillera le mauvais esprit critique qui s’est trop souvent développé dans le grand public et dans la presse métropolitaine sur cet important problème.
– parce que polémistes ou journalistes ont été mal informés des services considérables que les femmes ont rendus à notre Arme,
– parce qu’ils sont incapables de comprendre que beaucoup de Françaises ont su, de 42 à 45, être autre chose que des joujoux,
– parce qu’ils se refusent à croire que les Françaises ont su mieux faire leur devoir qu’eux,
– parce qu’ils ont ignoré ou méconnu les dévouements magnifiques et les sacrifices qu’elles ont apportés à l’œuvre de libération du sol national,
– parce qu’ils n’ont pas admis, en un mot, de recevoir une leçon de patriotisme d’une femme. Les chansonniers eux-mêmes ont pris à partie la Femme-soldat ; au lieu d’en rire et d’en blaguer, ils auraient mieux fait d’exalter leur courage, de chanter leurs exploits ou tout au moins de leur « tirer leur chapeau » ; mieux éclairés, je souhaite qu’ils le fassent par souci de justice.
Je pense que, pour mettre les choses au point et faire éclater et triompher la vérité, il vaut mieux dire ce que je sais de la femme-soldat pour que tous nos officiers sachent parfaitement à quoi s’en tenir sur ce problème sérieux et d’intérêt national qui touche si gravement notre mission essentielle de paix et de guerre « l’exploitation ». Il faut que, parfaitement et honnêtement éclairés, nos officiers prennent énergiquement, en tout lieu et en toute circonstance, aussi bien dans la rue que dans un salon, la défense de la Femme-soldat et remette cette dernière, dans l’esprit des Français, à la place qu’elle mérite, comme Femme d’abord, puis comme Femme-Soldat : à la première place. J’examinerai ainsi successivement les questions suivantes :
– pourquoi j’ai créé le Corps Féminin des Transmissions (C.F.T.),
– le démarrage, l’organisation et l’expérience de Tunisie,
– les enseignements de l’expérience tunisienne : l’instruction des cadres féminins,
– la création des unités géminées,
– la transformation du C.F.T. en A.F.A.T.,
– les difficultés de vie sous l’égide des A.F.A.T.,
– la solution de transition,
– le martyrologe du C.F.T.,
– conclusion : la solution du problème par l’Arme et dans l’Arme.

POURQUOI J’AI CRÉÉ LE CORPS FÉMININ DES TRANSMISSIONS.

L’Afrique du Nord n’a jamais été pour notre Arme un réservoir de spécialistes. En dehors de nos réservistes appartenant, dans la proportion de plus de 50 %, aux administrations des P.T.T. du Maroc, d’Algérie et de Tunisie, les autres rentrent dans une forte proportion dans la catégorie des « affectés spéciaux ». En novembre 1942, l’armée de l’armistice de l’A.F.N., les cadres latéraux présentaient des déficits parce que les commissions allemande et italienne de Marseille freinaient énergiquement les embarquements des jeunes métropolitains désireux de s’engager hors de France.
L’installation des Alliés en A.F.N. et du Gouvernement provisoire à Alger a posé une série de problèmes graves aux administrations des P.T.T. J’ai été mis dans l’obligation de laisser à la disposition de celles-ci la presque totalité de leurs spécialistes et d’admettre comme une nécessité inéluctable un déficit correspondant dans les Unités des Armées.
Malgré un large emploi des ressources des contingents indigènes, il ne m’était pas possible d’arriver à mettre sur pied les Unités de transmissions prévues par le Général GIRAUD dans son armée de 300 000 hommes.
J’ai alors repris les projets d’utilisation de main-d’œuvre féminine que j’avais lancés dès janvier 1942 pour renforcer nos effectifs camouflés dans les « Cadres latéraux » de l’A.F.N. C’est pour cela que le premier texte de base parle d’un Corps militaire de Femmes dans le cadre de l’administration des P.T.T. (Cf. Annexe N° 1).
Un renfort de 1 000 femmes instruites comme téléphonistes, télétypistes, opératrices radiotélégraphistes, devait me permettre de résoudre le problème « Effectifs de l’Armée de la Libération ».
Il n’y avait plus qu’à passer à l’action.
Le Corps Féminin des Transmissions (C.F.T.) était créé le 20 novembre 1942 et son organisation faisait l’objet de l’instruction N. 613/1/0 du 18 décembre 1942 (Cf. Annexe N° 2).

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LE DÉMARRAGE
La mise sur pied du C.F.T. posait une foule de problèmes : commandement, encadrement, logement, alimentation, locaux d’instruction, aménagement technique des locaux d’instruction, habillement (tenues, linge de corps, chaussures), etc., etc…
Il faut avoir connu l’A.F.N. en fin 1942 pour se faire une idée à peu près exacte des difficultés inouïes à résoudre dans cette A.F.N. presqu’entièrement vidée des 4/5 des ressources de la vie courante d’avant-guerre, ressources qui, jusque-là, venaient de la Métropole.
Dans ces moments difficiles, j’ai confié la constitution du C.F.T. à trois personnes qui ont parfaitement compris mes larges directives et auxquelles je voue une profonde reconnaissance, car ce sont elles qui ont fait le C.F.T. et qui sont les véritables artisans de son succès.
J’ai nommé :
– le Général, alors Lieutenant-Colonel BRYGOO, chef aimant les responsabilités et les difficultés et se jouant avec aisance et réussite des unes et des autres,
– le Capitaine COT, belle figure d’officier et de chef de famille, homme droit, énergique et toujours profondément humain
– et surtout l’admirable Mme TRABUT, âme supérieure, qui s’était déjà distinguée dans une association de protection de l’enfance et dans l’œuvre de placement des enfants de France et d’Algérie (œuvre Guynemer) ; après avoir veillé sur des enfants, sa sollicitude et sa bonté allaient s’étendre avec tant de bonheur sur des enfants un peu plus grands, des jeunes filles ou des jeunes femmes de 17 à 30 ans.
Mme TRABUT allait entreprendre une œuvre sociale splendide dont elle a compris immédiatement l’importance capitale.
Il faut dire ce qui est. À l’origine, certaines volontaires s’étaient engagées avec l’espoir de trouver plus de liberté (sinon de la conquérir) pour s’adonner plus facilement à une vie de joies et de plaisirs ; elles ne tardèrent pas à revenir de leurs illusions et à rendre au magasin d’habillement leur tenue militaire avant de redevenir des « civiles intégrales ». En décelant rapidement ces quelques brebis franchement galeuses et en les éliminant, Mme TRABUT est entrée de suite dans ce domaine si difficile et parfois si décevant de l’Assistance Sociale. Rassurer des familles un peu effarouchées par le désir de leur fille de s’engager au C.F.T. ; mener des enquêtes morales profondément délicates ; se pencher sur les misères tant physiques que morales qui s’étaient déjà abattues sur tant de jeunes épaules féminines. Pour toutes, être une seconde Maman… alors que certaines ne se rappelaient même pas leur Maman…, alors que certaines ne parlaient que de leurs détresses morales après une expérience sentimentale profondément lamentable.
Tout cela, Mme TRABUT l’a fait avec un tact parfait et un grand cœur. Qu’elle me permette ici encore de lui adresser mes remerciements les plus sincères.
Je me souviens qu’une fois, elle m’avait demandé de recevoir en sa présence une cinquantaine de jeunes « Merlinettes », puisque c’est ainsi qu’elles se sont baptisées. Il y a plus de quatre ans de cela et je me souviens encore de l’émotion profonde que j’ai ressentie de ces six ou sept heures d’audience. Parmi ce groupe il y avait quelques jeunes filles ou jeunes femmes qui représentent encore à mes yeux la quintessence de la douleur humaine ; il fallait que, pour être restées honnêtes, elles aient une force de caractère peu commune. L’une d’elles était entrée dans la pièce où nous étions, Mme TRABUT et moi, avec une pauvre mine de « chien battu » ; interrogée avec douceur et bonté, elle a paru d’abord étonnée de tant de sollicitude, elle qui était habituée à être rudoyée et traitée sans ménagement ; elle n’a d’abord répondu à mes questions que par monosyllabes, puis, peu à peu, elle s’est mise en confiance. Elle a compris que nous ne l’interrogions que pour son bien et pour l’aider, si elle le voulait, à faire son bonheur. « Oh ! oui, moi aussi, je voudrais tant être heureuse », disait-elle. Un horizon nouveau s’ouvrait pour elle. De ses grands et beaux yeux noirs se dégageait une joie immense : la promesse et la perspective d’une vie qui pouvait être heureuse. Le « chien battu » était mort, c’est une jeune fille transformée, riante et heureuse, qui est sortie du bureau. Voilà de la bonne assistance sociale. Je dois dire que cette jeune fille a bien, en effet, trouvé au C.F.T. le bonheur dont Mme TRABUT et moi lui avions révélé la possibilité ; elle est aujourd’hui l’épouse d’une nos garçons et la jeune mère de deux enfants charmants.
Tout de suite, ce problème de l’Assistance Sociale a pris une importance considérable dans le C.F.T. Aujourd’hui encore, je maintiens que c’est la partie capitale de l’organisation d’un Corps Militaire Féminin. Enlevée à son milieu social, la Femme-Soldat est littéralement transplantée. Elle a besoin d’avoir quelqu’un ou quelque chose à qui ou à quoi se raccrocher. C’est l’assistante sociale, si celle-ci est réellement bien une femme de grand cœur et connaissant la vie, que la Femme-Soldat vient trouver. C’est à elle qu’elle se confie, qu’elle se confesse. Il faut qu’elle soit, comme l’avait si bien compris Mme TRABUT, une Maman pour ses filles, une Maman assez avertie pour ne pas s’en laisser conter, une Maman assez forte pour ne pas se laisser émouvoir par une sensiblerie voisinant la faiblesse, mais aussi une Maman assez énergique pour donner un conseil avec douceur et même une nuance de tendresse. Je reviendrai d’ailleurs sur ce sujet.
Ce problème, bien posé dès la création du C.F.T., m’a vite amené à traiter celui, non moins important, de la conduite. Dès le début de février 1943. je rassemblais le C.F.T. à l’École de la rue du Divan et je prononçais l’allocution suivante : « Jeunes femmes et jeunes filles de France, je vous remercie d’avoir répondu si nombreuses à mon appel et je vous en félicite. J’ai besoin de vous, car l’Afrique du Nord, votre terre natale ou votre terre de refuge, ne peut pas me donner tous les garçons dont l’Arme a besoin pour rendre à notre patrie sa liberté et son indépendance après la victoire à conquérir.
Je vous annonce tout de suite que l’existence qui vous attend ne ressemblera en rien, pour certaines d’entre vous tout au moins, à celle que vous meniez hier. Finies les gâteries, les petits soins. Avec tous les ménagements que comporte votre état de femme, avec toutes les ressources que nous assurent nos maigres moyens, nous ferons l’impossible pour vous donner le confort maximum, mais sachez bien que ce dernier sera sommaire. Vous serez conduites en soldats et il faudra vous faire aux exigences sévères de la vie en commun avec tous les désagréments qu’elle comporte. Comme nos sapeurs, vous provenez de tous les milieux de la Société nord-africaine. Certaines ont

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été jusqu’ici gâtées et choyées dans un foyer heureux, d’autres ont dû déjà, malgré leur tout jeune âge, faire connaissance avec les dures nécessités de l’existence malheureuse. Maintenant fondues dans un même corps, sous l’austère uniforme de gros drap du C.F.T., vous êtes toutes des sœurs. Aimez-vous et aidez-vous comme des sœurs, que les riches prennent en discrète affection les déshérités de la fortune.. Désormais, vous êtes toutes attelées au même labeur, toutes vous êtes les « artisanes » d’une même œuvre dont le fruit ne « peut être et ne sera que la victoire.
Tout de suite, j’aborde un sujet grave, celui de votre conduite. Hier encore, et en admettant que cela ait pu être une incartade grave de conduite, un scandale dans la rue ou ailleurs, ne pouvait salir que celle qui en était l’auteur. Aujourd’hui, la même faute a des conséquences infiniment plus graves ; la coupable salirait et son nom et son uniforme. Et voilà qui est grave. Désormais, vous êtes toutes solidaires. Or, j’entends que le C.F.T. se fasse remarquer tant par son travail technique que par sa tenue extérieure. Si parmi vous il y a e des brebis galeuses impénitentes, il ne faut pas hésiter à les montrer du doigt, nous les renverrons sans oublier toutefois que nous n’avons pas le droit « de ne pas essayer de ramener dans le droit chemin les Marie-Madeleine repentantes. J’ai besoin de toutes les bonnes volontés et j’accepte tous les repentirs à condition qu’ils soient sincères. Seulement, et j’insiste, j’entends que le C.F.T. ait une conduite irréprochable. Maintenant que je vous ai averties de vos responsabilités, il n’est pas mauvais que je m’étende sur les miennes et sur celles de vos instructeurs. Le pays nous confie déjà 300 de ses filles, d’autres suivront. Sachez que devant le pays et devant notre conscience, nous sommes responsables de ce trésor confié à nos soins ; jeunesse du pays, nous devons veiller sur vous, car vous êtes l’avenir. Vous venez aujourd’hui remplir un devoir patriotique, c’est parfait, mais quand le pays aura retrouvé son régime de paix, nous devrons vous rendre à la vie civile où vous aurez alors à remplir votre devoir de nature, créer un foyer, être mère. Je ne veux à aucun prix que, redevenues civiles, vous ayez à rougir d’avoir appartenu au C.F.T. Par votre conduite dans les villes des arrières, par votre conduite au front, il faut que les garçons vous jugent et vous jugent bien. Leur jugement à venir dépend de vous. Quant à moi, je vous préviens que je ferai tout pour que le respect général vous entoure, mais je vous le répète, on n’est respecté et considéré que dans la mesure où l’on se respecte soi-même.
Dans quelques semaines, vous quitterez le Centre d’Instruction d’Alger pour être dirigées sur le théâtre d’opérations. Attendez-vous à des : jours sans charme et sans confort ; le travail intensif sera votre seule distraction. C’est là surtout que « vous serez jugées. Je vous préviens que le jugement des garçons sera sévère et souvent dénué d’aménité ; vos oreilles risqueront d’entendre des propos grossiers. Demeurez indifférentes sans être hautaines ni pimbêches et passez votre chemin ; si le garçon sort vraiment des limites, remettez-le à sa place sans grand fracas ; vous aurez fait œuvre « de charité. Ce garçon qui vous aura paru un rustre, un grossier personnage, n’est peut-être rien de tout cela. C’est un pauvre petit gars qui descend des lignes et qui se dit : J’en suis revenu, en reviendrai-je la prochaine fois ? Dieu seul le sait, « alors cherchons une bonne fortune, ce sera toujours ça de pris. Et puis, vous le verrez vite, ce n’est pas le soldat de 2eme classe qui sera dangereux pour vous, ce n’est même pas le sous-officier. Le « danger, pour vous, c’est l’officier. Voilà pourquoi votre règlement de service intérieur est si draconien en ce qui concerne les invitations dans les popotes. Tant pis pour vous, j’aime mieux vous priver d’office d’un excellent repas que de risquer de vous faire faire un faux pas ; j’en prends la « responsabilité, vous me maudirez peut-être sur le moment, mais cela m’est indifférent ; vous reconnaîtrez plus tard que j’avais raison.
Vous remarquerez combien, dans ce premier entretien, j’ai peu parlé de votre travail. Pourquoi ? Parce que, en ce domaine, je suis certain du succès. Venues à nous volontairement, je sais que vous travaillerez de tout votre cœur de bonnes petites Françaises, à apprendre ce qui va devenir votre spécialité. Là, le résultat est certain, il n’y a qu’à vous regarder, on lit dans vos yeux cette volonté farouche de servir. Et j’entends de bien servir. Or, bien servir, c’est bien travailler et c’est honorer son uniforme en tous lieux et en toutes circonstances. Pour vous, sachez que la conduite extérieure est quelque chose de capital. Dans les rues de nos villes, vous allez faire quelque peu sensation. Imposez-vous par la correction impeccable de votre tenue et le souci profondément ancré de respecter votre uniforme.
Si par hasard quelques écervelées venaient à oublier ce précepte fondamental, il faut qu’elles sachent bien qu’elles en seraient les conséquences. Au cours d’une carrière déjà longue, j’ai eu trop souvent le pénible devoir d’ensevelir quelques-uns de mes sapeurs morts pour la France, ils sont descendus au tombeau portant sur le col de leurs vareuses l’écusson de la Télégraphie Militaire. Cet écusson, c’est celui que vous portez. Par conséquent, salir votre écusson, c’est salir l’écusson de « la Télégraphie Militaire, c’est salir le Corps auquel vous appartenez désormais et où vous êtes venues e librement, c’est déshonorer vos frères aînés de l’Arme morts pour la France, et cela, j’espère qu’aucune d’entre vous ne l’osera. Si l’une d’entre vous l’osait cependant, que ces paroles lui reviennent à la mémoire avant de fauter ou que ses camarades les lui remettent en mémoire. Jeunes femmes et jeunes filles du C.F.T. il fallait que ces vérités vous soient dites ; tâchez de vous en souvenir. Maintenant il faut travailler pour servir totalement de tout votre cœur et de toute votre a âme. Sachez que je vous en demanderai beaucoup ; aucun de nous ne sait ce que l’avenir nous réserve, mais il est certain que parmi vous, il y en a qui ne reviendront pas. La guerre exige des sacrifices. Des garçons de France vous ont montré l’exemple sur le chemin du sacrifice total ; il est réconfortant de voir des Filles de France prendre le même chemin. Voilà pourquoi nous avons confiance dans le succès total du C.F.T.
À toutes, bonne chance et n’oubliez jamais que, modèles de dévouement et de patriotisme, de devoir et d’honneur, vous êtes celles qui devez donner l’exemple de toutes les vertus aujourd’hui sous les fanions de la Télégraphie Militaire, comme demain, après la Victoire, dans les foyers où vous serez épouses et mères selon les vieilles traditions de notre chère France.
Et maintenant, au travail, et toujours avec le sourire.
Telles sont les grandes idées qui ont été et sont restées les principes mêmes du C.F.T.

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L’ORGANISATION

Le recrutement a toujours été caractérisé par la recherche d’un niveau intellectuel et d’un niveau moral élevé.
En principe, une instruction du niveau du Brevet Élémentaire était exigée des candidates. Celles qui ne possédaient aucun diplôme étaient astreintes à passer un examen de connaissances générales, portant sur l’orthographe, la rédaction, la géographie et l’arithmétique. Ceci, évidemment, indépendamment des conditions purement médicales et de moralité.
À la date du 1er mars 1944, le bilan du C.F.T. s’établit comme suit :
– Candidates reçues: 2.500
– Candidates retenues : 2.200
– Licenciements prononcés: 300
– Engagements effectués au titre des Forces Terrestres anti-aériennes (opératrices mutées à l’Armée de l’Air, le 1er février 1943): 400
L’état des diplômes universitaires était le suivant :
– Licences 10
– Baccalauréat 50
– Brevet supérieur 17
– Brevet élémentaire 225
Un petit nombre de candidates peu instruites et dispensées de l’examen probatoire a dû être retenu pour tenir des emplois auxiliaires indispensables : lingères, cuisinières, serveuses, femmes de ménage.
Le problème de l’habillement et du campement a été résolu dans des conditions très médiocres.
Le Corps Féminin des Transmissions a dû vivre d’expédients et faire confectionner, à ses frais, la plupart des vêtements indispensables à l’habillement des opératrices. C’est ainsi que les opératrices qui ont effectué la campagne de Tunisie ne possédaient que les effets suivants :
a) Effets et matériel fournis par le C.F.T. : Tenue de drap (vareuse et jupe), calot, sac à main (en drap), une paire de chaussures, une paire d’espadrilles, un lit de camp, un matelas, une cuvette pour 5 opératrices, un lampe à alcool, une ou deux casseroles par équipe, quelques produits pharmaceutiques.
b) Effets et matériel fournis par l’Intendance : Une capote (retaillée par les soins du C.F.T.), deux chemises (retaillées par les soins du C.F.T.), un, chandail, un chèche, deux paires de chaussettes de coton, une cravate, une trousse de couture, un casque métallique, une gamelle, un bidon, un plat de campement (par équipe de 6 opératrices).
c) Matériel fourni par le Service de Santé :
Un paquet de pansements individuel.
De plus, le Corps Féminin des Transmissions avait pu faire distribuer 500 kilogs de laine avec laquelle les opératrices ont confectionné elles-mêmes leurs chaussettes, leurs chandails et leurs gants.
Pour la période d’été, l’Intendance a délivré la toile que le C.F.T. a fait transformer par ses propres moyens en jupes, chemisettes et calots.
Cet équipement trop rudimentaire, comme l’expérience l’a prouvé, a été dès novembre 1943 considérablement renforcé par l’appoint du matériel américain (W.A.C. Women Army Corps). Les opératrices du Corps Expéditionnaires furent toutes munies du paquetage suivant :

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En outre, pour les opératrices du Corps Expéditionnaire, il avait été prévu, par section :
– 1 tente abri pour lavabos, une tente abri pour W.-C. ou Feuillées ;
– 1 réchaud à essence pour la préparation de boissons chaudes et le réchauffage des repas.
Mon souci, dans ce domaine, a été, en effet, d’assurer au personnel féminin :
1° la protection contre le froid
2° la rechange des effets de travail
3° la décence de la tenue, notamment pendant les déplacements et dans les camps de cantonnements.

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En ce qui concerne en particulier la protection contre le froid, les opératrices des Transmissions assurant un service permanent de jour et de nuit dans la position assise, c’est-à-dire sans grande dépense musculaire, ont besoin d’un supplément de matériel assez. Important. Cela explique la dotation en vêtements de dessous et en couvertures qui leur a été allouée.
Cet équipement est d’ailleurs à peine suffisant, ainsi que devait le prouver la campagne d’Italie.
L’organisation du Corps Féminin des Transmissions a fait l’objet de beaucoup d’études et d’expériences. Toutes ont été conduites avec le souci de faire de nos volontaires de bonnes auxiliaires et de bonnes techniciennes, ainsi que de sauvegarder leur réputation de femmes, d’accroître leur prestige et de développer en elles les sentiments essentiellement féminins qui en feront, après la guerre, non plus pour l’Armée, mais pour la Société, un autre genre d’auxiliaires : les auxiliaires vigilantes des foyers français.
Je répète et précise à ce sujet, avant toute considération, que, tout en estimant que le remplacement numérique des hommes par des femmes constituait le principal objectif du C.F.T., j’ai toujours posé le principe que la présence des femmes dans l’Armée imposait des devoirs nouveaux et impérieux au Commandement. C’est pour cette raison que, parallèlement à l’organisation des centres d’instruction militaire, un Service d’Assistance sociale a été mis sur pied et chargé de toutes les questions d’ordre psychologique, moral, médical et social. Les volontaires du Corps Féminin des Transmissions étaient réparties en deux grandes catégories : 1° : Volontaires désirant servir aux Armées (Corps expéditionnaire) ;
2° Volontaires désirant ne servir que sur le territoire Nord-Africain.
Pour l’instruction, ces deux catégories se fondaient en une seule.
Leur instruction terminée, les opératrices étaient affectées à des postes, où un travail « en doublure » les initiait aux difficultés professionnelles réelles de leur spécialité. Elles étaient ensuite réparties soit dans les unités territoriales, soit dans des Unités du Corps Expéditionnaire.
Les opératrices étaient groupées par équipes de 4 ou 6 travaillant sous les ordres d’une « chef d’équipe » (grade de sergent).
En principe, l’équipe était capable d’assurer le service d’un poste de radio ou d’une position de standard, 24 heures sur 24, par roulement entre les opératrices.
Plusieurs équipes étaient placées sous les ordres d’un chef de section féminin (grade d’aspirant ou sous-lieutenant).
Au travail, l’équipe était sous les ordres du chef de centre (officier ou sous-officier masculin).
Le Chef de Section féminin avait donc la charge morale et disciplinaire de sa section, seulement en dehors des heures de travail, à moins qu’elle ne remplisse elle-même les fonctions de Chef de Centre.
La dispersion du personnel féminin en vue de son emploi technique et de sa subsistance s’arrêtait à l’équipe. Cela permettait d’éviter l’écueil de l’emploi d’opératrices isolées avec tous les risques que cela pouvait comporter.
Pendant les premiers mois de la constitution du Corps Féminin des Transmissions la question du Commandement aux échelons supérieurs s’était posée.
Il s’agissait de déterminer si les officiers femmes dépendraient de leur Commandant de Compagnie (Officier masculin) et de toute la hiérarchie masculine ou d’une autorité centrale commune à toutes les formations féminines.
Dans le premier cas, les officiers et sous-officiers femmes auraient été considérées simplement comme des cadres spécialisés constituant un appoint de subordonnées mises à la disposition des Commandants de Compagnies ; dans le second cas, elles seraient devenues les représentantes de l’autorité centrale détachées avec leur personnel auprès des Commandants de Compagnies, pour accomplir les missions que ceux-ci leur auraient confiées, mais totalement indépendantes d’eux en dehors de l’accomplissement des missions de travail. En un mot, dans le second cas, les Commandants de Compagnies auraient commandé le travail sans posséder le pouvoir de commander le personnel exécutant.
Malgré les anomalies que présentait la deuxième solution, c’est elle qui fut tout d’abord expérimentée.
L’essai, qui a duré jusqu’à fin décembre 1943 avec une autorité centrale disciplinaire et une hiérarchie essentiellement féminine, a prouvé, d’une façon péremptoire, que les inconvénients du système dépassaient considérablement ses avantages et que, de plus, les officiers féminins n’étaient pas encore suffisamment expérimentés ou préparés à cette tâche.
Certes, le débat n’est pas prêt d’être clos. La question du Commandement des Femmes par des Femmes a été, et est encore, l’objet d’avis profondément différents. Dans le cas particulier des Femmes-Soldats le problème est à mon avis parfaitement résolu et mon opinion repose plus particulièrement sur l’expérience que j’ai faite en 42-45. Faire commander une unité féminine en campagne par une femme est, sauf cas exceptionnels, une hérésie.
La Femme, toujours sauf exception, n’est pas faite pour le commandement. Par sa nature, et à cela aucune ne peut s’y soustraire à moins de se vouer au célibat, la femme subit la loi de l’homme.
Par le simple jeu de l’éducation des enfants, telle qu’elle est conduite depuis des millénaires, la femme obéit à l’homme. Voyez une famille où il y a garçons et filles, n’est-ce pas, (tant que l’accord pour jouer ensemble subsiste parmi ce petit monde), un des garçons qui prend la direction du jeu, qui le mène, qui prend le rôle de chef et qui fait marcher ses frères et sœurs à la baguette… jusqu’au moment où les filles, fatiguées de cette autorité, sortent du jeu en pleurant généralement et en jurant qu’elles ne joueront plus… jusqu’à la prochaine fois.
Voyez des garçons jouant dans la rue. Sur dix équipes, vous en trouvez plus de la moitié qui jouent aux soldats, surtout s’il y a dans les parages un chantier de construction ; ils partent à l’assaut des tas de sable. Quand trois gosses sont réunis, il y en a toujours un (que j’appellerai Jean) qui agit en chef… et celui-là, toute sa vie, aura le goût du commandement sans avoir peut-être jamais, en tant qu’homme, un poste d’autorité.
Voyez des fillettes s’amuser. Elles jouent à la poupée. Déjà, elles sentent en elles la préoccupation maternelle. Sont-elles réunies, elles jouent à la marchande, à la dame. Quand elles commandent, l’une est « Madame » et l’autre est la « Femme de chambre ». L’autorité, quand elle s’affirme, ne s’étend que sur un domaine très petit qui est celui même où évolue la petite « Madame ».

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Je sais parfaitement, et j’en ai connu, qu’il y a des Femmes de tête capables de mener de grosses entreprises. Il faut convenir que c’est l’exception.
Commander une unité en campagne, c’est autre chose que de diriger un salon de beauté ou une maison de mode.
En tous cas, tout s’apprend et qui dit s apprendre » implique « temps consacré à l’enseignement ». Or, à la guerre, on n’a pas de temps à perdre. Il faut aller à coup sûr. C’est pour cela que, avec des garçons choisis et parce que, de par leur nature, leur éducation, leur atavisme, ils ont des prédispositions au commandement (mon petit Jean de tout à l’heure), l’on peut, en quelques mois, faire des jeunes officiers, aspirants ou sous-lieutenants, qui sauront commander brillamment leurs sections et qui, auprès de leurs anciens (souvent leurs aînés de quelques années à peine) apprendront leur métier de futur Commandant de Compagnie et pourront même, en quelques occasions graves, les suppléer et même les remplacer.
Avec des femmes, il n’est pas possible d’arriver à un tel résultat d’autant que le Commandement d’une Unité féminine en campagne exige des connaissances approfondies en technique et en administration. Le point de départ, l’atavisme originel, le sens inné de l’autorité n’y est pas. On y arriverait sans doute avec de la méthode et surtout du temps. Or, je le répète, en 1942-43, il fallait faire vite… et surtout il fallait éviter un échec.
En conséquence, je décidais, fin décembre 1943, d’en revenir à une solution mixte, combinaison de la première et de la seconde solution, en confiant le commandement à des officiers masculins assistés d’adjointes.
Cette nouvelle organisation se schématisait ainsi :
– à la tête : le Général Commandant les Transmissions, Chef de Corps, assisté par une adjointe du rang de Capitaine,
– à l’échelon grande unité : le Commandement des Transmissions assisté par une adjointe du rang de Lieutenant, — à l’échelon compagnie : le Commandant de Compagnie assisté par une adjointe du rang de Lieutenant ou Sous-Lieutenant,
– à l’échelon section : une femme officier ou aspirante,
– à l’échelon équipe : une femme sous-officier.
De cette façon, le Commandement, tout en restant masculin, était à la fois tempéré dans le sens masculin et renforcé dans le sens féminin par la présence d’une femme à tous les échelons.
Le système donnait non seulement d’heureux résultats au point de vue fonctionnement des services, mais présentait encore l’avantage pour les femmes officiers de participer au Commandement d’une façon étroite, de bâtir leur expérience sous l’autorité de chefs masculins expérimentés, de développer leurs connaissances techniques et militaires, enfin de s’intégrer en quelque sorte progressivement dans l’ordre militaire établi, sous l’égide de chefs compétents et bienveillants.
Dans l’avenir, les femmes officiers devaient pouvoir être appelées à remplacer complètement à certains échelons leurs camarades masculins, selon leurs qualités de commandement.
Elles se trouvaient assez exactement dans la situation de jeunes officiers masculins placés sous l’autorité d’un Commandant de Compagnie et qui ne se voient confier les rôles de Commandement actif qu’après un certain stage de subordination.
Cependant il est à remarquer que tout à fait à l’origine, le Haut Commandement avait songé à créer des Unités uniquement féminines. Il est évident que partant d’une telle conception, les règlements intérieurs pouvaient différer totalement des règlements en vigueur dans l’Armée masculine, en particulier en ce qui concerne les règlements de discipline et de service intérieur.
C’est ce principe initial d’autonomie d’emploi du Personnel féminin qui a guidé la première mise au point du programme d’instruction du Corps Féminin des Transmissions.
La première mise au point a été en outre caractérisée par l’extrême réduction du temps octroyé à l’instruction militaire par rapport à celui qui a été réservé à l’instruction technique.
D’autre part, l’application de ce programme s’adaptait au fait qu’à l’origine de sa constitution le C.F.T. manquait de locaux et de terrains pour l’instruction militaire et que les nécessités de la campagne de Tunisie exigeaient surtout une instruction technique activement et rapidement poussée, au détriment de toute autre considération.
Les unités engagées en Tunisie et privées de leurs réservistes P.T.T. avaient, en effet, besoin d’un renforcement immédiat en spécialistes.
Le but initial des instructeurs a donc été de former des opératrices de valeur dans le minimum de temps.
Ce programme a été scrupuleusement rempli. Dès le 15 mars 1943, 54 opératrices quittaient ALGER () pour renforcer le service de l’exploitation du théâtre d’opérations de Tunisie.
Le Kef                      6
Souk el Arba        6
Teboursouk.        6
Le Sers                   6
Ebba Ksour.         6
Tébessa                6
Ain Beida.            6
PC. 19. CA.           12
Dès la libération de Tunis, les opératrices radios du C. F. T. assuraient le service des postes radios réouverts à Tunis, au Kef, à Sfax, à Sousse et à Gafsa, dans des conditions matérielles difficiles. 150 opératrices radios et téléphonistes prirent ainsi une part active à la campagne de Tunisie.

LES ENSEIGNEMENTS DE LA CAMPAGNE TUNISIENNE
Cette première et heureuse expérience avait été entourée du maximum de garanties. Elle a été riche en enseignements () et a surtout démontré l’impossibilité de réaliser dans notre Arme une autonomie des éléments féminins.
La vie en commun, l’obligation d’un commandement technique unique, les difficultés matérielles, tout cela concourait à réaliser une unification naturelle des conditions d’emploi des unités féminines et masculines.
Il en est résulté une modification profonde du principe d’autonomie qui s’est traduite par une orientation plus marquée de l’instruction vers l’enseignement des règlements masculins de discipline et de service intérieur (M, 393 EMG/1/0 du 9/3/1943 — annexe N. 5).

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Ainsi, lorsque, après la campagne de Tunisie, la mise sur pied des Unités du Corps Expéditionnaire fut décidée, la répartition des sections féminines dans les compagnies masculines put-elle se faire sans grandes difficultés d’adaptation.
La méthode d’instruction alors adoptée au Corps Féminin des Transmissions dérivait directement de celle des contingents masculins ; elle comportait pour la partie militaire l’étude théorique et pratique de l’École du Soldat sans armes et des règlements de discipline dans l’application desquels il était cependant tenu compte d’une certaine adaptation.
Les règlements de manœuvre et de service en campagne furent exclus de cette instruction et leur étude remplacée par un enseignement moral, social et médical, confié au Service d’Assistance Sociale.
Toutes les opératrices du Corps Féminin des Transmissions en poste sur le territoire Nord-Africain qui n’avaient bénéficié que de l’instruction de la première période d’organisation furent remises à l’instruction par roulement, et effectuèrent un stage militaire de 15 jours au Centre de Transmissions de MAISON-CARREE.
Pour la partie technique, la spécialité s Radio » réclamant des sujets doués, toutes les opératrices furent, dès leur incorporation, astreintes à suivre cette instruction.
Au bout d’une quinzaine de jours, les meilleures furent conservées dans cette spécialité et les autres aiguillées sur les catégories : standardistes et télétypistes.
L’expérience a montré qu’au point de vue technique, le temps nécessaire pour former du personnel féminin vraiment qualifié était le suivant Standardistes et télétypistes 6 mois.
Radios : a) pour le réseau d’exploitation 8 mois.
b) pour les missions d’écoute 14 mois.
c) pour les écoutes spéciales et la radiogoniométrie 17 mois. Environ.
Les chiffres ci-dessus sont des minima et correspondent à une instruction très activement poussée.
Mais surtout la Tunisie a mis en évidence les deux faits suivants : le manque de cadres féminins et l’obligation de renforcer le service social.
La formation de cadres féminins s’est en effet révélée indispensable pour deux raisons : 1° : Le but de la création du Corps Féminin des Transmissions étant de remplacer des hommes par des femmes partout où cela était possible, il convenait également d’envisager de procéder à ce remplacement dans les différents échelons de la hiérarchie.
2° : Les chefs des échelons inférieurs (équipe et section) étant astreints à vivre avec leur personnel devaient naturellement être féminins.
Dès les premiers engagements reçus, le Colonel BRYGOO a donc eu le souci de déceler, parmi les nouvelles élèves, celles qui paraissaient aptes à remplir des fonctions de chef.
Cette période d’observation a abouti à l’organisation d’un stage de cadres du 1er au 21 avril 1943 à DOUERA.
Mis sur pied avec le concours de la Direction du Service de la Jeunesse au Gouvernement Général de l’Algérie et des monitrices de ce service, spécialisées dans la formation des Cadres féminins, ce stage fournit au Corps Féminin des Transmissions un premier contingent de 17 Femmes-officiers et de 20 sous-officiers sur les 50 stagiaires réunies (1).
Ce premier stage m’a fait entrer en relation avec deux personnes dont l’influence s’affirma aussitôt considérable. Toutes les deux méritent des remerciements particulièrement chaleureux.
M. RAPP, Chef de Service à la Direction de la Jeunesse au Gouvernement Général de l’Algérie, a mis à la disposition du L’— Colonel BRYGOO et du C.F.T. sa précieuse expérience des « Affaires de Jeunes » ; il nous a évité beaucoup de faux-pas. Il a réussi à faire mettre à notre disposition quelques-unes de ses excellentes monitrices et à faciliter par la suite leur engagement au C.F.T. Parmi celles-ci il faut réserver une place d’honneur à Mademoiselle CLAUDET. Véritable apôtre de la jeunesse féminine chrétienne, le Chef CLAUDET avait acquis en Algérie une renommée incontestable et incontestée dans les questions sociales relatives à la Femme. Elle a été pour le C.F.T. une animatrice d’une très rare valeur et une zélatrice d’un dévouement sans borne.
Mme TRABUT et Mlle CLAUDET, de tempéraments nettement opposés, ont toutes deux été l’âme féminine du C.F.T. Utilisant au maximum leurs dons, leurs qualités, leur égal et total dévouement au C.F.T., elles sont les véritables artisans de son incontestable succès. C’est pour moi une question de conscience que de leur rendre cet hommage.
J’ajoute qu’à cette époque, le Capitaine SIRE a été spécialisé dans les questions féminines (problèmes administratifs). Lui aussi compte parmi ceux qui se sont donnés de tout leur cœur au C.F.T.
Un deuxième, puis un troisième stage organisé dans les mêmes conditions à HYDRA en juin et juillet 1943 ont complété l’effectif des chefs féminins nécessaires à cette époque.
Accomplis avec toutes les garanties exigibles de régularité et d’impartialité, ces trois stages ont vraiment eu pour résultat de mettre en valeur les éléments les meilleurs et les plus qualifiés du C.F.T.
Les stagiaires appelées à y participer y ont reçu une instruction militaire et surtout une instruction morale qui a fait d’elles des aides sociales autant que des chefs, ce qui leur a permis ensuite de prolonger sur leur personnel l’action du service social.
Ultérieurement, l’instruction technique et militaire des cadres féminins a pu être développée au niveau de celle des cadres masculins de l’Armée, mais la formation intellectuelle, morale et sociale a pratiquement seule servi de base à leur instruction initiale.
C’est la raison pour laquelle les cadres féminins du C.F.T ont été aptes à maintenir non seulement la bonne tenue du personnel et sa discipline, mais également les traditions de travail et d’honneur de l’Arme des Transmissions.
La campagne de Tunisie, comme la campagne d’Italie leur ont permis de gagner l’estime de leurs camarades masculins et ont consacré d’une façon définitive le rang que le Commandement des Transmissions leur avait réservé dans l’Arme.

Les considérations que je viens d’exposer ont déjà mis en évidence l’importance capitale du Service Social au C.F.T. Il est indispensable que je m’étende un peu sur ce problème si délicat.

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Trouver des volontaires, les instruire, les faire vivre en commun, c’est très joli, mais il fallait donner à cet ensemble, ossature fragile, un lien moral puissant qui, seul, confère une vertu agissante à tout rassemblement humain.
Ce lien moral et cette vertu agissante qui peuvent faire d’une réunion de femmes une « arme » avec sa foi, sa cohésion, sa conscience propre, son unité d’action, c’est, sans contredit, le Service Social qui les a créés et les a développés.
Je me répète souvent, mais cela me paraît nécessaire, car il y a des vérités que l’on n’affirme jamais avec assez de vigueur. J’avais posé le principe dès la création du Corps Féminin des Transmissions que la présence des femmes dans l’Armée imposait des devoirs nouveaux et impérieux aux Chefs masculins responsables.
L’examen de ces devoirs, la solution de ces problèmes essentiellement féminins d’ordre psychologique, médical et social ont justement été confiés à des femmes que leur passé et leur expérience désignaient pour cette tâche.
Le Service Social, placé sous les ordres d’une Assistante Sociale Principale, a magnifiquement rempli sa mission et a donné au Corps Féminin des Transmissions cette âme indispensable à sa vie.
La principale caractéristique de ce service social a été l’affranchissement de tout appareil militaire, de toute hiérarchie (sauf à mon échelon), de toute contrainte extérieure. Il ne s’est pas superposé à l’organisation militaire, il ne l’a pas prolongée ; il s’est inséré naturellement dans tout ce qu’elle avait d’imparfait et l’a complétée dans le domaine individuel.
Ce Service Social a été en contact direct et personnel avec toutes les opératrices, les a étudiées, les a dirigées, les a conseillées, les a soutenues, les a éduquées.
Son action a été étendue en profondeur par les Chefs de Section féminins qui avaient reçu l’éducation de base nécessaire et vivaient avec leur personnel.
Ses différentes fonctions pratiques ont été inscrites dans le règlement intérieur du C.F.T. duquel sont extraites les prescriptions suivantes :
Article 2 Les Assistantes sont en tous lieux, et en tout temps habilitées à s’occuper de toutes les questions relevant de la moralité, de la vie sociale du personnel et de sa façon de se tenir.
En pénétrant dans un cantonnement, l’Assistante Sociale doit d’abord se présenter au Commandant de l’Unité ou à son Adjoint.
Article 3 Le Service Social travaille en liaison s étroite avec les Chefs de Section. Il doit être tenu au courant par la Chef de Section adjointe au Commandant de l’Unité de tous les mouvements et modifications, déplacements, changements d’affectation de sections, d’équipes ou d’équipières, hospitalisations, dès que ces mouvements se produisent.
Article 4 Les attributions des Assistantes sont « les suivantes :

A — AU TERRITOIRE
Engagements — Incorporations.
Réception et interrogatoire de la candidate ou de l’appelée. Établissement de sa fiche sociale
Envoi de la candidate au Service Médical pour y passer la visite d’incorporation. Présentation de la candidate à l’Officier Commandant le Centre de Recrutement.
Enquête discrète de moralité et de milieu social qui devra être menée pendant le premier mois d’engagement.
Surveillance des conditions matérielles d’existence :
a) dans les internats, en liaison avec la Directrice de l’Internat () b) dans les locaux d’instruction,
c) dans les centres où l’opératrice est en fonction (locaux d’habitation et postes de travail) : hygiène et répartition des heures de travail et de repos. Ceci en liaison avec les Chefs de Section, l’Assistante devant éviter de s’adresser directement au chef technique.
Éducation morale des stagiaires à L’instruction :
En accord avec les Directrices d’Internats, l’Assistante organise pour les stagiaires des causeries morales et médicales (hygiène, secourisme, puériculture, mise en garde contre les dangers physiques et moraux auxquels sont exposées les opératrices vivant au Territoire, surtout aux Armées, cours d’enseignement ménager, etc…
Pour cela, l’Assistante s’efforcera de s’assurer le concours des membres de l’enseignement, de doctoresses, de Services sociaux, de Mouvements de Jeunesse, de Mouvements Féminins.
Liaison avec le Commandement [adjointe au Commandant de l’Unité] pour l’affectation des opératrices, en raison des questions de santé et des conditions de vie familiale des intéressées.

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Surveillance de la santé a) période d’instruction (en liaison avec la Directrice de l’Internat). Faire effectuer des pesées mensuelles. Veiller à ce que les vaccinations soient « pratiquées.
b) période de travail (en liaison avec les Chefs de Section). Faire effectuer des pesées mensuelles, envoyer les intéressées à la consultation médicale en cas d’amaigrissement ou de fatigue.
c) hospitalisation. Visiter les hospitalisées trois fois par semaine au moins, et tous les jours en cas « de maladie grave ou d’accident. L’Assistante est seule habilitée à être en liaison, avec le personnel sanitaire des hôpitaux : médecins, infirmières ; elle doit signaler immédiatement au médecin-chef du service ou de l’hôpital les défectuosités qui pourraient se produire à leur insu, dans les soins donnés aux hospitalisées, et en rendre compte à la Directrice du Service Social.
Elle doit fréquemment donner des nouvelles des malades au médecin qui a prescrit l’hospitalisation.
Lors de la sortie de l’hôpital d’une opératrice, elle en avise la Chef de Section.
Relations avec les familles ()
L’Assistante doit visiter fréquemment les familles « des opératrices qui vivent loin de chez elles, particulièrement quand il s’agit des jeunes. Elle se « tiendra en liaison soit avec l’Assistante du Territoire où se trouve l’opératrice, soit avec l’Assistante de l’Armée dont fait partie l’opératrice (pour « le personnel du C.F.T.).
Attributions de secours ou d’indemnités pour charges de famille.
L’Assistante transmet au Commandement les demandes d’indemnité pour charges de famille, en y joignant son avis après enquête. Elle adresse également, soit au Commandement, soit au Service Social de l’Armée, les demandes de secours qui lui paraissent justifiées par la situation de certaines opératrices.
Consultations juridiques.
Dans toutes les localités où cela est possible, l’Assistante s’assure le concours de personnes qualifiées, avocates, licenciées en droit) qui pourront e conseiller utilement les opératrices en cas de difficultés juridiques.

B. — AUX ARMÉES

Aux Armées surtout, l’Assistante Sociale travaille en liaison étroite avec les chefs de section.
Elle répondra toujours à l’appel, soit d’une équipière, soit d’un Chef de Section. N’ayant aucun rôle de commandement ni de discipline, aucune préoccupation technique, elle se consacrera entièrement à sa tâche qui est de sauvegarder la santé physique et morale du personnel féminin aux Armées.
Elle s’attachera à vivre près des opératrices : en partageant souvent leurs repas, en allant les visiter à leurs moments de loisir, en s’efforçant de leur procurer tout ce qui peut leur être utile, objets d’hygiène, papier à lettre, etc…).
L’Assistante s’assure que les équipières ne sont pas isolées, qu’elles reçoivent des lettres et que cette correspondance leur parvient régulièrement. Elle signale au Service Social celles qui paraissent délaissées.
Enfin, l’Assistante devra toujours être un appui, un réconfort pour l’équipière déprimée. Elle devra, par l’intérêt et l’affection qu’elle lui témoignera, provoquer ses confidences et garder strictement le secret sur tout ce qui lui sera confié (secret professionnel).
Chaque fois qu’un obstacle insurmontable pour elle se présentera devant l’Assistante Sociale dans l’accomplissement de ses missions, elle devra s’adresser immédiatement à la Direction du Service Social pour obtenir les instructions et l’aide nécessaire.
Les Assistantes adressent un rapport mensuel à la Direction du Service Social. En outre, elles communiquent avec elle aussi souvent que cela leur est nécessaire.
Et, ce qui n’a pas été dit dans le règlement, parce que ce dernier ne pouvait traiter que de l’existence militaire et administrative de la Femme, c’est que cette organisation a fonctionné dans des conditions parfaites jusqu’au 20-3-45, époque à laquelle il a fallu la passer au Service Social des A.F.A.T. 5 enfants sont nés à Jean-Bart et six autres dont 3 orphelins de guerre y ont été élevés. L’assistance sociale ne s’est pas cantonnée dans cette œuvre. Elle s’est efforcée de rechercher le père ; là encore un succès a été marqué. Sur sept enfants naturels, six ont été reconnus par leur père.

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Le Service Social avait reçu également pour mission de préparer la femme à son rôle futur d’après guerre.
J’ai estimé en effet qu’après la guerre, les femmes seraient appelées à rendre d’autres services au pays en leur qualité de mères de famille et de gardienne des foyers.
Certaines, (la plus grande majorité) possédaient ces qualités et ces sentiments, fruit de leur éducation familiale. Par contre, d’autres n’avaient pas trouvé dans leur foyer le guide et le soutien dont chaque enfant est en droit de bénéficier.
Le Service Social du Corps Féminin des Transmissions a, là encore, prouvé qu’il était possible de rééduquer, de refondre ces éléments dans le moule des traditions, et de rendre à la France d’après-guerre un effectif accru de femmes qui perpétuera ses traditions, bases séculaires de la Société française, de sa grandeur, de son rayonnement.

CRÉATION DES UNITES GÉMINÉES

L’instruction du personnel féminin du C.F.T. organisée sur ces principes a été donnée dans les Centres de Rabat, Oran, Alger, Maison-Carrée, Constantine et Tunis ().
Sauf quelques exceptions, la vie en internat a été la règle.
Pour entrainer le personnel féminin à la vie en campagne, le personnel destiné aux unités d’opérations a été logé dans un camp aménagé dans le beau parc du château d’Hydra, près d’Alger.
Là, les femmes ont connu les rigueurs de l’été et de l’hiver dans une maison de toile ; toutes couchaient sous la tente américaine où le seul confort a été constitué par un plancher en bois. Les « Merlinettes » du Territoire, dès leur instruction dégrossie, rejoignirent leurs affectations. Elles desservirent ainsi les centraux téléphoniques ou les postes de radios de : au Maroc : Agadir, Rabat, Casablanca, Marrakech, Fès, Meknès, Oujda, Taza.
en Algérie : Oran, Tlemcen, Bel-Abbès, Mascara, Nemours, Alger, Tunis, Laghouat, Médéa, Miliana, Maison-Carrée, Constantine, Sétif, Biskra, Philippeville, Bône.
En Tunisie : Tunis, Bizerte, Kairouan, Sousse, Sfax, Gabès.
En Corse : Ajaccio.
De plus, un important détachement (50) a été mis à la disposition du Bureau Central Militaire de la Poste aux Armées d’Alger pour trier les lettres. Enfin le Groupement des Contrôles Radioélectriques a absorbé un important effectif féminin d’opératrices radios, d’interprètes et de secrétaires d’analyse.
À la suite d’une propagande discrète parmi nos opératrices, il a été possible de trouver et de sélectionner une vingtaine de jeunes femmes volontaires pour les missions spéciales. Nous en reparlerons un peu plus loin. La consécration de la formule des « Unités géminées » apparaît dans les Tableaux d’Effectifs de Guerre des Unités des Armées.
Le personnel féminin a été affecté comme suit : Corps Expéditionnaire d’Italie :
Compagnie d’exploitation 807/1 : 40 radios 75 téléphonistes 10 télétypistes = 125
Détachement d’écoutes C. 808 : 25 radios et secrétaires d’analyse
Détachement 805 du Général Commandant en chef : 18 radios 27 téléphonistes 6 télétypistes 3 conductrices = 54
Armée B : Compagnie d’exploitation 827/1 : 46 radios 53 téléphonistes 10 télétypistes 6 conductrices = 115

LA TRANSFORMATION DU C.F.T. ET LA CRÉATION DES A.F.A.T.

La création des formations féminines laissée pratiquement à l’initiative des Directeurs d’Armes ou des Chefs de Corps intéressés avait provoqué des développements inégaux, des organisations disparates et même une sorte de rivalité beaucoup plus préjudiciable qu’utile à l’Armée.
Aucune tentative de coordination amiable, ne pouvant aboutir, le Général JURION a été désigné, début janvier 1944, par le Commissaire à la Guerre et à l’Air pour réaliser cette unité.
La mission du Général JURION, pendant sa courte durée, a été caractérisée par le souci de donner aux différentes formations une doctrine commune, une discipline et une administration calquée sur un modèle unique, mais tout en laissant à chacune d’elles son caractère et son individualité propres. Enfin le Service Social Féminin qui, jusqu’ici, n’existait que dans l’Arme des Transmissions devait être renforcé et son autorité étendue à tous les Corps féminins.
Malheureusement, l’activité de cette direction fut tout de suite absorbée en grande partie par la mise en application du projet gouvernemental de mobilisation féminine.
Ce projet fit naturellement beaucoup de bruit en A.F.N. ; il vint jusque devant l’Assemblée Consultative d’Alger, mais fut abandonné au profit de la réquisition.
L’ordonnance du 22 octobre 1943 organisant la mise sur pied de guerre dans l’ensemble des Territoires non occupés par l’ennemi (réquisition de personnes) ordonnait :
Article 1er. Jusqu’à la libération totale de la Métropole et de l’Empire et la cessation des hostilités, toute personne de nationalité française est susceptible d’être requise sur l’ensemble des territoires non occupés par l’ennemi dans les conditions prévues par les articles ci-après de la présente ordonnance.
Article 2. Toute Française âgée de 18 ans peut être soit mobilisée, soit engagée volontaire, soit requise civile dans les conditions spéciales prévues aux articles ci-après.
Article 3. Peuvent servir dans une formation militaire, à titre d’engagé volontaire ou de mobilisé :
b) toute femme reconnue apte au service militaire, âgée de 18 ans révolus à 45 ans révolus et n’élevant pas, au moins, un de ses enfants âgés de moins de 16 ans.
L’autorisation maritale pour les femmes mariées ou l’autorisation paternelle pour les filles mineures non émancipées ne seront exigées que pour les engagements volontaires.
Article 4. Peuvent faire l’objet d’une réquisition civile individuelle : b) toute femme reconnue apte à un emploi quelconque, âgée de 18 ans révolus, non mobilisée et n’élevant pas au moins un de ses enfants âgé de moins de 10 ans.
À ma connaissance, cette ordonnance n’a jamais été appliquée en ce qui concerne les femmes. Elle a été complétée par le décret du 11 janvier 1944 portant création de formations militaires féminines auxiliaires, dont voici les premiers articles intéressants à plus d’un point :
Article 1er Chacune des Armées de Terre, de Mer et de l’Air comprend, soit dans les formations du territoire, soit dans les unités en opérations des formations féminines auxiliaires recrutées par engagements volontaires et, s’il y a lieu, par voie d’appel.
Article 2 Les personnels volontaires féminins, déjà en service dans les Armées de Terre, de Mer et de l’Air, sont intégrés de droit dans les formations précitées relevant des mêmes Armées.
Article 4 a) sont exemptes du service militaire obligatoire féminin :
– les femmes élevant un enfant de moins de 16 ans ; – les femmes appartenant à une congrégation religieuse.
c) Sont exclues des formations militaires féminines auxiliaires :
– les femmes se livrant à la prostitution ;
– les femmes ayant fait l’objet d’une condamnation privative de liberté d’au moins 15 jours inscrits au casier judiciaire.
Article 5 Ne peuvent servir dans les unités en opérations que les appelées faisant acte de candidature pour ces unités et les engagées volontaires.
Article 8 Jusqu’à la parution des mesures d’application nécessaires les unités féminines des Armées de Terre, de l’Air et de Mer sont régies par les instructions actuellement en vigueur.
Ces textes sont intéressants, même s’ils n’ont reçu aucun commencement d’exécution en certaines de leurs clauses, parce que : 1° ils témoignent de l’effort total auquel était disposé le Gouvernement d’Alger pour mettre sur pied une Armée digne de ce nom pour libérer le sol national… et cela n’est pas parfaitement connu de beaucoup de métropolitains.
2° : ils attestent, quoique d’une manière sommaire, le souci de conserver le moral féminin en excluant d’office les femmes tarées.
Ils nous sont apparus alors comme une mesure d’ordre, laissant intacte l’œuvre déjà réalisée au C.F.T. et dont s’était rendu compte M. LE TROCQUER, Commissaire à la Guerre, lors de son inspection minutieuse des installations au Château d’Hydra, le 20 janvier 1944, et pour laquelle il exprima sa satisfaction (Cf. annexe N° 6).
Les choses allaient bientôt se gâter. En effet, en avril 1944, le Général JURION était remplacé par la Commandante Terré. Celle-ci arrivait de Londres et avait des idées bien arrêtées sur la mobilisation des femmes et sur la manière de les faire vivre en campagne. Elle a, à mon avis, commis l’erreur capitale de confondre l’existence des femmes participant aux services de guet et de D.C.A. de l’organisation défensive de Londres avec celle des femmes des unités en opérations. De plus, imbue des méthodes anglaises, elle n’a pas voulu comprendre que la mentalité des Françaises de l’Afrique du Nord d’abord et de la Métropole ensuite n’était pas celle des Anglaises à Londres. Enfin, elle ne soupçonnait pas la nécessité d’un Service Social féminin.
La Commandante Terré vit le triomphe de ses conceptions avec la création des A.F.A.T. fixée par le décret du 26 avril 1944 relatif aux effectifs, aux conditions d’avancement et au régime de solde et de traitement des personnels des formations militaires féminines auxiliaires de l’Armée de Terre.
Les textes nouveaux constituaient une véritable révolution dans les idées qui avaient présidé à la création des Corps militaires féminins en A.F.N.
Les A.F.A.T. étaient constituées sur une conception diamétralement opposée à celle du C.F.T. La Direction A.F.A.T. visait à extraire complètement les anciennes engagées de l’Arme qu’elles avaient librement choisies, à les refondre dans un même moule et à les rendre sous forme de prêt de main-d’œuvre aux services utilisateurs.
Les inconvénients de ce projet étaient tels qu’ils le rendaient pratiquement inapplicable.
Ils étaient de deux sortes : 1° : au moment où allait prendre fin dans chaque Corps ou Service la dure période de l’intégration des formations féminines dans l’Armée masculine, au moment où les engagées, gagnées par l’esprit de corps (que tous les règlements militaires cherchent avec raison à développer) travaillaient pour leurs Armes en complète communauté d’esprit et de cœur, un brutal renversement de ces valeurs devait entraîner fatalement une désorganisation au moment même où démarrait correctement la reconstitution de l’Armée sur le type U.S.A. et où les premières Grandes Unités entraient en ligne sur le Front d’Italie.
2° : Le décret du 26 avril 1944 créait une autorité supérieure techniquement étrangère à toutes les Armes. Cette autorité se faisait cependant fort, tout en ignorant leur fonctionnement et leurs emplois techniques et tactiques, de leur fournir un personnel féminin qualifié.

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La Direction des A.F.T.A. prétendait fonctionner comme une sorte de bureau de placement, avec cette circonstance aggravante que le bénéficiaire de la main-d’œuvre resterait dépossédé de tout pouvoir administratif et disciplinaire sur le personnel.
Cette prétention était tellement inopportune et tellement illogique, qu’en fait, malgré les décrets qui la sanctionnaient, elle ne pouvait être appliquée à la lettre.
Mes protestations auprès du Commissaire à la Guerre restèrent sans effet malgré une correspondance quelque peu passionnée. Je tenais à défendre et à sauvegarder l’œuvre accomplie (cf. annexes N° 7 et 8).
Le danger était, en effet, très grave, comme l’a bien fait ressortir l’étude faite par le Commandant de l’unité géminée d’Oran (cf. annexe N° 9) et comme l’a montré la visite de la Commandante Terré au Corps Expéditionnaire Français (C.E.F.) en Italie (cf. annexe N° 10).
Ces documents montrent comment les deux conceptions se heurtaient et combien la vie quotidienne en pleine guerre était difficile.
Le lecteur trouvera aux annexes N° 11, 12, 13 quelques autres cas typiques de la « beauté du Commandement de la Femme par la Femme ». Vers la mi-août 1944, je reçus l’ordre de mettre un terme à cette « bagarre épistolaire » et de m’arranger de l’ordre nouveau.

SOLUTION DE TRANSITION

Par accord tacite, le C.F.T. conserva en Italie ses Unités géminées ainsi que l’Armée B pendant son stationnement en A.F.N.
À l’arrivée en France, le C. E. F. et l’Armée B fusionnèrent pour devenir la 1re Armée. La règle fut observée par la création au début de 1945 de la 1re Unité Administrative féminine des Transmissions, formation qui rassemblait toutes les Merlinettes, à l’exclusion du personnel féminin d’autres Armes, en service dans une même compagnie dotée de moyens administratifs éprouvés (comptables, moyens de transport) par prélèvement sur les Compagnies d’exploitation 807/1 et 827/1.
Dans les deux formules, le Général (alors Colonel) BRYGOO continuait à avoir la haute main sur l’ensemble du personnel féminin Transmissions de la 1re Armée.
Aussi bien en Italie qu’en Métropole, les Merlinettes ont été magnifiques de cran et n’ont jamais attiré l’attention sur elles par des écarts de conduite ().
Le Général d’Armée JUIN et son Chef d’Etat-Major, le Général CARPENTIER, m’ont toujours dit grand bien de ce personnel en Italie et de la solution adoptée pour leur statut.
À Lindau, quelques jours après l’armistice, le Général d’Armée de Lattre de Tassigny en me recevant, me disait : « Il n’y a guère de jours où je ne trouve dans mon courrier une affaire de femme ; or, je n’ai jamais rien reçu au sujet de vos Filles. » N’est-ce pas là un éclatant hommage rendu à notre personnel féminin qui a su si bien, dans des conditions souvent très dures et non spectaculaires, remplir sa tâche de guerre avec la modestie traditionnelle de notre Arme.
En Afrique du Nord, les A.F.A.T. ont créé leurs unités administratives se prétendant féminines, mais fonctionnant en réalité grâce à un appoint masculin assez important.
Chaque unité administrative gérait toutes les engagées de la Zone qui leur était dévolue quelle que soit l’Arme ou le Service auxquels elles appartenaient.
Le personnel était ainsi soumis, en permanence, à deux autorités différentes :
– le commandement technique masculin ;
– le commandement administratif et disciplinaire féminin.
La réinstallation du Gouvernement à Paris, en septembre 1944 n’a apporté aucune amélioration à l’organisation des Corps militaires féminins, tout au contraire. L’A.F.A.T. s’est enferrée dans ses erreurs qui sont apparues avec une amplitude infiniment plus grande.
Les Transmissions ont continué à vivre au moyen d’un compromis qui nous permettait :
a) de recruter nous-même notre personnel (à condition toutefois de faire régulariser les engagements par l’A.F.A.T.), b) d’instruire ce personnel,
c) de disposer des opératrices suivant les besoins du service et sans autorisation préalable de l’A.F.A.T.,
d) d’administrer le personnel incorporé dans les compagnies géminées (telles que les compagnies 805 Et 838).
En dépit de ces dispositions, le personnel des Transmissions restait soumis, en général, à l’Administration A.F.A.T. et, en totalité, à sa gestion en ce qui concerne l’habillement.
Enfin, les écoles de cadres () étaient strictement monopolisées par l’A.F.A.T. qui avait seule le droit d’instruire et de nommer les officiers féminins.

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Les Transmissions ont été dans l’obligation de s’accommoder de cet état de choses et ont lutté depuis mars 1944 pour en obtenir la modification.
Le gros reproche que l’on pouvait adresser à une telle conception résidait dans le fait de la division des pouvoirs entre le Commandement technique et le Commandement administratif : d’autant plus que le Commandement administratif féminin manquait de cadres et surtout de cadres expérimentés et qu’il s’agitait dans la rigide et traditionnelle organisation de l’Armée à la manière d’un jeune chien dans un jeu de quilles.
Imagine-t-on, en effet, un Commandant de Compagnie de Tansmissions qui ne posséderait ni l’administration de sa troupe, ni un pouvoir disciplinaire sur elle ? C’est là exactement la situation dans laquelle l’A.F.A.T. prétendait placer les chefs masculins.
Il est entendu qu’il va de soi que les pouvoirs administratifs soient supervisés par une Direction, que l’exercice des pouvoirs disciplinaires soit tempéré par des règlements, par des inspections, par l’action directe du Service Social, mais que systématiquement tous ces moyens d’action soient soustraits au Commandement, cela décourage la raison et le simple bon sens.
On peut s’étonner à juste titre qu’une telle conception n’ait pas occasionné de grosses catastrophes. Cela tient à ce que les intéressés, au cours des hostilités, ont eu trop le sens de leur devoir pour la combattre autrement qu’en la tournant.
En ce qui concerne les Officiers et les Sous-Officiers féminins, l’A.F.A.T. a créé le cadre de commandement.
Ce cadre ne possède par définition aucune connaissance technique spéciale. Son bagage militaire tient tout entier dans le règlement de service intérieur de l’Armée. C’est en quelque sorte un découpage hiérarchisé du rôle de l’adjudant de quartier.
Que peut être le prestige des Officiers féminins confinés dans des fonctions de comptables, de pions et de dispensateurs des « une, deux, une, deux » quotidiens, vis-à-vis de jeunes filles vivant d’une activité technique dont ils n’ont eux-mêmes aucune idée ?
Quelle joie ces officiers du Cadre de Commandement peuvent-ils tirer de la conduite d’un personnel qui leur échappe pendant son travail et qu’ils ne sont pas en mesure de suivre techniquement ?
Quels sentiments de dévouement peuvent-ils éprouver à l’égard d’une Arme au jeu de laquelle ils ne sont pas conviés ?
À quelle égalité peuvent-ils prétendre vis-à-vis de leurs collègues masculins qui cumulent des fonctions techniques et des fonctions militaires ?
En plus de cela, l’A.F.A.T. a créé le cadre des spécialistes. Ce sont les opératrices de la hiérarchie technicienne. Elles ne portent pas de galons, mais seulement des petites soutaches distinctives sur la poche gauche de leur tunique.
Le sommet de cette hiérarchie, la 1re et la 2eme catégories, est « assimilé » aux grades de sous-lieutenant et d’aspirant. Et il se produit ceci : ces assimilées qui possèdent par définition une culture très supérieure à la moyenne sont soumises à l’autorité de toute la hiérarchie du cadre de commandement depuis la « Commandante » jusqu’à la « Caporale » incluse. Or, les Officiers à soutaches refusent naturellement et comme on pouvait le prévoir, toute subordination à des sous-officiers à galons. Ici, les Transmissions ont évité l’écueil en ne faisant effectuer aucune proposition dans le cadre sous-officier de commandement. La difficulté a une fois de plus été tournée, mais non résolue.
Le 1er décembre 1944, j’écrivais : « II est donc possible d’affirmer qu’à la date du 1er décembre 1944, 7 mois au moins ont été entièrement perdus en ce qui concerne la mise sur pied des nouvelles formations ou simplement l’accroissement de celles qui existaient. L’expérience tentée par les A.F.A.T. n’a pas réussi. Elle se maintient uniquement par suite de l’acceptation de compromis de toutes sortes qui ne constituent que des palliatifs, des replâtrages provisoires, et pas du tout l’organisation logique et saine qui était réclamée.
Elle a prouvé que les formations féminines ne pouvaient absolument pas vivre seules et que la conception des formations géminées s’imposait impérieusement.
En résumé, on a substitué de graves erreurs aux erreurs vénielles anciennes, on a rejeté délibérément les matériaux solides des anciennes organisations pour construire un décor de théâtre qui n’a même pas le mérite de l’originalité ; on a, en outre, stoppé brutalement l’évolution normale « d’un mouvement bien amorcé (sans bénéfice aucun, ni pour les engagées, ni pour l’Armée).
On a enfin créé le désordre et le chaos là où précisément on attendait l’ordre, et surtout une rapidité d’exécution avec laquelle nul ne saurait transiger sans trahir la cause même du pays.
Bien plus, cette organisation A.F.A.T. a été néfaste dans son principe, dans son esprit, dans son application.
Dans son principe, parce qu’il est inadmissible qu’un chef responsable d’une mission n’ait pas à son entière disposition les moyens de l’accomplir.
Dans son esprit, parce qu’elle détruit :
– l’esprit de corps,
– le prestige du Chef qui devient un employeur quelconque, un vague patron,
– la continuité dans l’effort par la possibilité de changer de fonctions en changeant d’Arme,
– la conscience professionnelle qui ne peut s’épanouir que dans un milieu dont l’individu fait partie intégrante,
– l’émulation entre les différentes Armes.
Dans son application, parce qu’elle a :
– monopolisé à peu près à son seul profit (Liaisons Secours) les jeunes engagées,
– refusé de jeunes engagées faute d’organisation (inaptitude à résoudre les questions de locaux et d’encadrement),
– tenté de faire des prélèvements massifs sur le personnel en réserve pour mettre sur pied un service central pléthorique.

La Direction A.F.A.T., qui avait failli à sa mission d’organisation de l’Armée féminine, a été transformée en Sous-Direction au début du mois de mars 1945 et rattachée à l’E.M.A.
Malgré cela, rien n’a pratiquement été modifié dans les attributions de l’ancienne Direction. L’A.F. A.T. est simplement devenue « les F.F.A.T. » (Formations Féminines de l’Armée de Terre).

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En conséquence, nous nous trouvions en présence d’une organisation qui avait notoirement fait faillite dans tous les domaines de son activité, et qui, malgré cela, a poursuivi son existence chaotique par une sorte de grâce d’État.
Par contre, si la méthode préconisée par les transmissions a donné des résultats, cela tient à ce qu’elle était basée sur des principes et logique et sur une autorité très strictes, ce répercutant hiérarchiquement à tous les échelons.
À Londres, on a fait certainement des choses très bien ; à Alger, pour l’ensemble de l’A.F.N. on a certainement fait aussi de même. Disons, pour ne froisser personne, que partout on a fait le maximum de ce qui était possible par l’utilisation de toutes les bonnes volontés. Mais ni Londres, ni Alger n’étaient la Métropole.
Or, la Métropole, après novembre 1942, a fait quelque chose d’absolument splendide avec les Femmes.
Quand le Gouvernement s’est réinstallé à Paris en septembre 1944, nous avons trouvé des Unités Féminines formées par la Résistance et dans la Résistance. J’ai été personnellement très heureux de prendre contact, dès le 5 ou 6 septembre 1944, avec les « Filles en bleu » , cet admirable corps féminin de la Résistance, le C.A.F. (Corps Auxiliaire Féminin) qui comprenait la section des P.T.T. de Mlle LAJUS et avec qui, de suite, j’ai immédiatement travaillé, trop heureux d’avoir sous mes ordres une troupe d’une telle valeur morale et technique. Leur chef, Nicolle, est une des belles figures de la Résistance ()
Ce serait une injustice grave que de ne pas rappeler ici les services remarquables que m’a rendus l’équipe féminine du Lieutenant-Colonel LIMOUSIN et du Commandant JEAN-MICHEL et qui m’a permis de démarrer si rapidement dès mon arrivée à Paris, le 2 septembre 1944.
Le premier échelon du commandement des transmissions de l’Afrique française transporté par avion d’Alger au Bourget, le 2 septembre 1944 était en effet bien maigre puisqu’il comprenait trois officiers : General MERLIN, Colonel GUERIN, Capitaine PRADELLE et deux operateurs radios, un point c’est tout ; le second échelon est arrivé près de dix jours après. Et, pendant ces dix jours, il a fallu travailler. Aussi suis-je profondément reconnaissant à LIMOUSIN et à JEAN-MICHEL qui ont mis immédiatement à ma dispostion leur équipe féminine avec les ANITA, FRANCE, MAITE, MIREILLE, CLAUDE, MARIE-JOSE, FRANÇOISE, MONETTE, MICHELLE, DANIELLE, JEANNINE, ANGUE, LUCIENNE, SIMONE, THERESE. Quelles filles admirables ! Quelles belles Françaises ! N’auraient-elles pas dû, d’office, être admises dans les A.F.A.T. avec tant de titres !!! ().
Dans les Alpes, il existait également un Corps féminin de l’Armée des Alpes qui comptait d’excellents éléments et qui a rendu des services très appréciés.
Sur le Front de l’Atlantique, il se trouvait aussi des détachements féminins d’effectif faible, mais de valeur indiscutable.
À tout ce magnifique personnel, on a refusé l’intégration de droit dans les A.F.A.T. cependant prévue par l’article 2 du décret du 11 janvier 1944 portant création de formations militaires féminines auxiliaires.
Toutes ces femmes devaient repartir de zéro si elles voulaient continuer à servir sous l’uniforme ; il est inutile de s’étendre sur les « drames » que cela produisit. Comme toujours, avec le temps et les concessions, les choses finirent par s’arranger, sauf pour les « Filles en bleu » qui refusèrent de plier à l’autorité de la Commandante des A.F.A.T. et qui gardèrent leur autonomie jusqu’à la fin.

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Elles étaient rattachées à la Présidence du Gouvernement sous le nom de Corps Auxiliaire Féminin (C.A.F.).
Aussi ne peut-on que regretter l’attitude et l’injustice du Commandement des A.F.A.T. à l’égard de ce personnel de très grand choix et d’une très haute valeur morale.

Le martyrologe du C.F.T. :

Les paroles que je prononçais à l’École de la rue du Divan à Alger, au début de février 1943 devaient, hélas, se vérifier ! Toutes celles qui sont parties ne sont pas revenues :
FITUSSI Nadine mourait de typhoïde le 15 mars 1943, à Alger.
CASENTI Toussainte, MAHONDEAUX Huguette et RIVES Bernadette, opératrices radio, étaient tuées dans un accident d’auto (voiture radio capotée), à Meknès, le 22 Mai 1943.
MAZELLA Lydia était emportée au Kef (Tunisie) par le typhus, le 28 Mai 1943.
PORTELLI Jeanine, demeurée jusqu’à la dernière minute devant son standard, succombait à Tunis, le 9 juin 1943, après une typhoïde foudroyante, c’était la benjamine des Merlinettes. La typhoïde devait nous ravir également LORITANO Sylviane (Oran 7-6-43), CELERIEN Élyane (Alger, 29-2-44), tandis que la méningite emportait de la CHAPELLE Marthe (Alger, 17-2-44), et POISSON Marie (Alger, juin 44).
DELVAL Gilberte (17-6-45) et FALLAIX Renée (23-6-45) décédaient aux Armées des suites d’accidents.
LECOMTE Louisette (4-7-45) et BINARD Ginette (1-9-45) décédaient à Paris.

J’ai parlé plus haut du personnel C.F.T. chargé de missions spéciales. Maintenant que l’on commence à connaître en France le travail magnifique accompli par la Radio clandestine, il faut savoir que les Allemands disposaient d’un équipement territorial radio-gonio remarquablement organisé. Nombreux furent les postes clandestins ainsi repérés, dont les opérateurs, arrêtés, connurent la douloureuse existence des Camps de Concentration. Beaucoup n’en sont pas revenus et, dans notre Arme, nous devons d’une manière particulière, honorer leur mémoire. L’on a pensé, devant la difficulté d’alimenter les réseaux radios clandestins en opérateurs masculins, à utiliser les femmes.
Et c’est ainsi que le C.F.T. a sélectionné et instruit une trentaine de volontaires, dont 11 ont effectué des missions en France pour le compte du B.C.R.A. :
BIGREL Frédérique,
COLLIN Denise,
COMBELAS Suzanne,
MARTINI Colette,
TORLET Geneviève,
TORLET Elisabeth,
MEREAU Jeanne,
CLOAREC Marie-Louise,
DJENDI Eugénie,
LOIN Pierrette,
MERTZIZEN Suzanne.
Leur instruction technique comportait un saut en parachute. Combien d’hommes se seraient soumis à cet entraînement avec le risque connu de la mission à accomplir, en cas d’échec !
J’ai reçu toutes ces jeunes filles avant leur départ pour le Centre d’instruction spécial ; elles savaient toutes que l’insuccès de leur mission devait les conduire à la mort. Elles avaient toutes fait le sacrifice de leur vie pour la France. Je tiens à le dire ; il faut que tous nos officiers le sachent et le fassent savoir.
Sur ces onze héroïnes, cinq ne sont pas revenues.
Elisabeth TORLET, partie d’Alger le 30 août 1944 a été fusillée par les Allemands le 6 septembre 1944 ; elle avait 29 ans. Le récit de sa mission et de sa mort est une page d’histoire qui ne se raconte pas ; il faut en lire le récit dans les textes originaux (voir annexe N° 14).
CLOAREC Marie-Louise, DJENDI Eugénie, LOIN Pierrette et MERTZIZEN Suzanne ont été capturées par la Gestapo, elles sont mortes à Ravensbruck. De renseignements non confirmés, mais qu’il faut, hélas ! considérer comme très probables, les trois premières y auraient été pendues le 19 janvier 1945.

CONCLUSION

Telle est l’histoire du C.F.T.
Cette question de la Femme-Soldat a toujours été pour moi un sujet profondément grave ; instruit par une rude expérience, j’ai toujours défendu les principes du C.F.T. et lutté contre les principes A.F.A.T.
Le 2 janvier 1946 (cf. annexe 15) je continuais la lutte, ne désespérant pas de faire triompher mes idées parce que, devant l’illogisme et les erreurs de l’A.F.A.T., je ne pouvais pas admettre que le bon sens ne finirait pas par prévaloir.
Ma ténacité a triomphé.
Par circulaire N. 2319 EMA 1/10 du 6-3-47, le Service Central P.F.A.T. (successeur de l’A.F.A.T.) est dissous et la Direction d’Arme reprend la question de son personnel féminin.
C’est le retour à ma solution :
Un Corps Militaire Féminin, par l’Arme, pour l’Arme, dans l’Arme. J’ai écrit ces lignes et les ai fait suivre de nombreuses annexes pour que nos jeunes Officiers y puisent des enseignements pour savoir commander les Femmes-Soldats qui seront demain sous leurs ordres, pour qu’ils y puisent des renseignements pour faire connaître dans le pays les services que la Femme a rendus (et peut rendre) à notre Arme ; pour qu’ils y trouvent une leçon de foi et de persévérance.
Mais surtout, je désire que ces lignes soient un témoignage de profonde gratitude et de sincère reconnaissance envers des Filles de France, de la Métropole et de l’Union française qui ont su faire leur devoir pendant la campagne de Libération de notre Patrie alors que tant de jeunes hommes, du fait de l’absence de mobilisation en septembre 1944 en Métropole, ont préféré garder leurs pantoufles plutôt que de répondre à l’appel aux Armes lancé par le Général de GAULLE.
Toutes celles qui ont appartenu au C.F.T. peuvent être fières. Elles ont bien fait leur devoir. Hier, Femmes-soldats que tous doivent respecter, puissent-elles être demain des Épouses et des Mères heureuses. De tout mon cœur, je le leur souhaite.

Paris, le 25 mars 1947.Général de Division L. MERLIN.

 

 

La salle d’attente

Quand j’y suis entré, la salle d’attente n’était pas pleine. J’ai trouvé trois personnes à qui j’ai timidement dit bonjour et j’ai cru entendre que l’on me répondait, presque ensemble, tout doucement, en murmurant, pour ne pas déranger le silence.

Je me suis assis à côté d’une jeune maman avec un enfant au grand regard étonné.
Il y avait des barreaux aux fenêtres et une affiche sur le mur qui vantait des vacances formidables en Turquie, avec des gens heureux, en famille, devant des paysages grandioses.

Un vieux monsieur moustachu et chauve regardait le bout de ses chaussures, un type, plus jeune, en blouson, jouait avec son smartphone, et moi je me demandais si je pouvais ouvrir mon sac et lire le roman que j’avais commencé le matin même.

J’ai demandé à ma voisine :
— Vous attendez depuis longtemps ?
La jeune mère m’a regardé. Elle était tellement triste et avait presque les larmes aux yeux. Mais elle ne m’a pas répondu.
Personne ne m’a répondu !

Un coup d’œil furtif à ma montre m’informa qu’il était déjà 10 h 10.
Cet enfant, n’aurait-il pas dû être à l’école ?
La porte allait elle s’ouvrir bientôt ?
Et pour demander qui ?

Après un long moment d’attente, en silence, seulement perturbé par les chuchotements de l’enfant et les cliquetis du smartphone du jeune homme, nous avons entendu des bruits de pas.
La porte s’est ouverte et nous nous sommes levés. Le gamin s’est précipité dans les bras de sa mère.

Sont alors entrées dans la pièce quatre personnes qui se sont dirigées vers chacun d’entre nous. Je n’ai pas du tout regardé les autres ni vu ce qui se passait autour de moi car j’avais d’un seul coup reconnu le visage de la femme qui s’était dirigée vers moi et me regardait dans les yeux. Elle m’a tendu les bras en souriant et je me suis brusquement lové contre elle. Je sentais ma joue contre son cou, son buste contre le mien, sa douce respiration dans mon oreille et mes larmes qui mouillait maintenant mon visage. Après ce moment d’intense émotion, elle m’a fait signe de nous assoir face à face. Nous nous tenions par les mains sur nos genoux.

Elle avait environ 30 ans, sans une ride, avec une belle chevelure châtain foncé et elle se tenait bien droite. * Je ne l’avais vu ainsi que sur des photographies anciennes, des souvenirs figés, mais son regard, lui, je l’avais parfaitement reconnu, intimement reconnu.

Nous n’avons rien dit. Tu n’as pas prononcé une parole. Et j’étais bien incapable de parler. Mais nous avons, longuement échangés dans nos yeux, tout l’amour que nous avions l’un pour l’autre, l’amour exclusif, infini et éternel qui nous liait.
Les minutes s’écoulaient, je le sentais.
Nos mains s’étreignaient. À travers mes larmes je te voyais me sourire tendrement.

Je me rappelais quand nous étions à Lucerne, toi seule française dans un pays germanophone avec moi, qui maitrisait déjà parfaitement le Schwyzerdütsch, quand nous étions à Paris dans cet appartement sordide de la rue Saint-Sauveur et que tu travaillais un peu partout pour des patrons irrespectueux, dans les divers sanatoriums que tu avais traversés, à Sarcelles aussi avec ma stupide rébellion adolescente.

Tu m’as fait un petit signe de la tête et je t’ai vu détourner ton regard vers les autres personnes présentes. Le vieux monsieur chauve tenait les mains d’une jeune fille en débardeur et couronnée de fleurs, directement revenue des années 70 et du Flower Power. La maman serrait dans ses bras un bidasse au crâne rasé et l’enfant les regardait tous les deux, émerveillé. Le jeune homme s’était agenouillé devant un gamin blond qui riait…

La porte s’est de nouveau ouverte.
Nous sommes regardés et tu as fait comme si tu m’embrassais puis un violent courant d’air a traversé la pièce. Tout s’est mis à voler. Un bruit épouvantable a résonné. Je suis tombé par terre.
J’étais de nouveau seul et tu n’étais plus là.

Une main me secouait en criant « Pierre ! Pierre ! Revenez avec nous ». L’infirmière du service de réanimation me criait dans les oreilles ! « Alors là, il n’est pas passé loin ! Appelez l’interne de garde ! »
J’ai ouvert les yeux.
« Vous n’arrêtiez pas de supplier une certaine Madeleine ! »

*  Car il est dit quelque part dans les écritures (1 Corinthiens 15:37-49) qu’elle avait retrouvé le corps de sa plénitude. « Chacun retrouvera donc, à la fin des temps, un corps ressuscité, que l’on qualifie de glorieux »

Sur 6 mots envoyés par Andine:
Madeleine, souvenirs, vacances, pierre, école, douceur.

Caillou, le 28 septembre 2025

 

 

 

 

 

L’hommage à deux “Merlinettes”: Eugénie Djendi et Elisabeth Torlet

C’était le 6 octobre 2023 à Lorris dans le Loiret

La stèle avec son parachute

 

 

 

 

Avant la cérémonie
Christiane et Jean-Georges
La stèle découverte
Moi et une parachutiste porte-drapeaux

Les photos étaient interdites pendant la cérémonie pour une obscure raison de participations de soldats des forces spéciales…
Il faisait beau et je me sentais bizarre au milieu de tous ces uniformes et de ce cérémonial, mais c’était pour Madeleine.

Madeleine Safra était aussi présente ce jour là

Caillou le 4 novembre 2023

Un film en hommage à Eugénie Djendi tourné par un lycéenne de 17 ans !

Et un film, tourné en Corse, à Ucciani, en hommage à des enfants du village morts pour la France,
dont aussi à Eugénie Djendi

L’hommage (annulé) à deux « Merlinettes »: Eugénie Djendi et Elisabeth Torlet

Il devait y avoir un hommage à Eugénie Djendi et Élisabeth Torlet,
à l’occasion de l’inauguration d’une stèle, à Lorris, dans le Loiret,
au musée de la Résistance et de la Déportation.

On peut trouver un livre sur le parcours d’Eugénie Djendi,
cette jeune femme assassinée à Ravensbrück.

Mais cette inauguration a été annulée,  en raison des événements .
Faute de gendarmes disponibles car occupés par la révolte dans les banlieues.

Nous y sommes allés malgré tout et je me suis fait photographier, avec le portrait
de Madeleine,  ma mère, Merlinette elle aussi, devant la stèle recouverte d’un plastique.

Et nous avons visité le musée: Une exposition en hommage aux femmes résistantes.

Un mannequin pour représenter les transmissions dans le maquis.

Et une petite affiche montrant qu’elle était la place des femmes sous le régime de Vichy !

(…voir les billets sur les Merlinettes dans la catégorie « Mad »)
Caillou, le 4 juillet 2023

 

 

 

 

 

La vie brisée d’une Merlinette

Un livre, qui vient d’être publié, retrace la vie d’une de ces volontaires féminines des transmissions, les Merlinettes, dont ce blog a longtemps recherché les traces.
L’histoire de la Seconde Guerre mondiale évoque très peu les femmes.
Ma mère, Madeleine, s’était engagée à Alger en 1943
pour libérer la France et contre le nazisme.  Elle en est revenue, vivante.
Mais c’est avec beaucoup d’émotion que je découvre ce livre
qui évoque une Merlinette massacrée à Ravensbrück.
Merci aux auteurs.
Caillou, le 13 juin 2020

ISBN: 978-2-343-19952-8

 

Ce livre est le récit d’un destin singulier et d’un engagement particulier dans la Seconde Guerre mondiale et la Résistance.
Eugénie Djendi est née à Bône (Algérie) en 1923. Engagée parmi les premières dans le Corps Féminin des Transmissions à Alger en janvier 1943, elle participe à la Campagne de Tunisie.
Repérée par les Services de la Sécurité Militaire, ils la recrutent en septembre 1943 comme agent du contre-espionnage au sein du réseau des « Travaux Ruraux ». Transférée en Angleterre après avoir été formée en Algérie, elle est parachutée en France en avril 1944. Son opération de parachutage ayant été trahie, elle est immédiatement arrêtée par les Allemands. Déportée vers Ravensbrück le 11 août 1944, elle y est assassinée d’une balle dans la nuque le 18 janvier 1945.
Elle n’avait pas 22 ans.

Un destin singulier qui n’a pas, ou si peu, laissé de traces. Un bel exemple de ces parcours discrets pourtant au cœur de l’Histoire.

Dominique CAMUSSO est titulaire d’un DEA de sciences humaines. Il se consacre actuellement  à la rédaction de parcours biographiques au cours des conflits du XXe siècle.
Marie-Antoinette ARRIO, titulaire d’une maîtrise d’histoire moderne. Elle cherche à conserver  vivante la mémoire  des combattants corses de la Seconde Guerre mondiale.

« Merlinettes » – La compagnie 808

La broche de Madeleine


Sur l’histoire des Merlinettes,

j’ai reçu une lettre formidable
et j’en fait part, avec leur accord…

Elle m’a été envoyée par l’Association de la Guerre Electronique de l’Armée de Terre.

 

Voici ce que nous savons sur la Cie 808:

Cette Cie fut créée le 1er avril 1943 à partir du Groupement des contrôles radioélectrique (GCR) d’Alger. L’origine de cet organisme remonte au 9 août 1940 (créé par le général Weygand) par le regroupement des éléments et des personnels assurant les écoutes et la radiogoniométrie du temps de paix et du temps de guerre.

Cette Cie participe à la campagne d’Italie au sein des éléments de réserve générale du commandement du Corps Expéditionnaire Français (CEF). Sa tache consiste à rechercher des renseignements par l’écoute et la localisations des stations et des réseaux radio de l’ennemi. Au cours de cette campagne, elle sera renforcée et morcelée selon les besoins opérationnels pour être enfin réorganisée le 1er janvier 1944 en 3 unités.

La 808 CER (Cie Écoute et Radiogoniométrie) en Italie, la 828 SER (Section Écoute et Radiogoniométrie) à Hydra en Algérie  et la 838 CER à Oran.

La 808 CER débarque en Provence le 16 août 1944 et suivra l’Armée du Général de Lattre  jusqu’au bout de son périple en Allemagne et en Autriche. Elle sera dissoute le 1er mai 1945 et la plus part de ses personnels dirigés sur Paris pour affectation au GCR reconstitué début 1945. Quelques uns seront affectés à la Compagnie de Transmissions 815 à Berlin pour effectuer le même travail et un petit nombre de spécialistes seront regroupés avec les autres compagnies de réserve générale pour former le 18ème Régiment de Transmissions en Allemagne.

Ce 18ème RT prendra l’appellation de 42ème RT le 1er juillet 1947. Le reliquat de la 808ème CER donnera naissance, plus tard vers 1949, au sein de la 3ème Cie du 42ème RT à une unité écoute et gonio dont la filiation en ligne directe débouchera sur le 44ème RT aujourd’hui stationné à Mutzig.

Cette Compagnie 808 est considérée comme l’unité mère de toutes les unités de « Guerre Électronique » militaires de l’Armée de Terre (le GCR étant sous la tutelle des services spéciaux).

En ce qui concerne les Merlinettes, en fonction de leur formation, il existe 2 filières.
D’une part, celles qui se sont engagées dans le tronc commun des transmissions, formées sous l’autorité du capitaine COT et de madame TRABUT.
D’autres part, celles qui se sont engagées ou ont été reversées (après les tests d’aptitude) au GCR pour devenir des opératrices d’écoutes, des secrétaires d’analyse ou des interprètes / traductrices. Ces dernières furent assujetties au secret le plus absolu sur leur travail et quasiment aucune n’a transgressé ce contrat même dans les quelques textes mémoriaux qu’elles produisirent!

Les Merlinettes de ces unités (808,828 et 838) furent employées dans de nombreux cas, notamment en Italie, aux postes les plus avancés, parmi les équipes d’observateurs d’artillerie ou camouflées dans des ruines au plus près des lignes ennemie afin de capter ou de traduire les messages des radios à très courte portée en VHF des Allemands.

Cette activité d’espionnage de l’adversaire ne s’arrête jamais, 24 heures sur 24, le casque d’écoute sur les oreilles. Aucun bruits, aucun son, aucune conversation ou aucun appel ne dois échapper à l’opérateur ou l’opératrice. Il faut se faire remplacer pour aller faire pipi ou quoi que ce soit d’autre durant son temps de veille qui dure en moyenne 6 à 8 heures.

Quelque soit l’inconfort des lieux, il faut rester discret, ne pas faire de bruit, ne pas quitter son poste, supporter le bruit de fond permanent du spectre radioélectrique directement dans ses oreilles et manger froid car la fumée, de la nourriture ou de la cigarette est prohibée.

A l’arrière, durant son temps de repos, non seulement il ne faut pas trainer pour les taches quotidiennes (repas, toilettes, lessives et entretient des matériels ou de l’armement) mais il faut aussi se taire! Pas de conversation en société sur l’activité passée, pas même avec une autre membre de l’équipe car il peut toujours se trouver une oreille indiscrète.

Si vous ajoutez à tout cela les problèmes inhérents aux personnels féminins (promiscuité avec les hommes, toilette et lessive intime chaque mois et quelques particularités du paquetage non fournies). Un  accueil particulièrement exécrable de la population Française qui les considère comme des filles à soldats ou des paillassons d’officiers alors que tous les hommes étaient accueillis en Héros. Il faut reconnaitre chez ces jeunes femmes des sacrés doses de courage, d’abnégation et de vaillance que l’on croisent rarement chez les hommes.

A toutes ces Merlinettes et plus particulièrement à celles des compagnies 808 et consoeurs, nous devons un éternel respect, une immense reconnaissance de leurs actions et la sauvegarde illimitée de leurs mémoires!

Bien malheureusement, aucun livre digne de ce nom n’a encore été publié sur leur histoire et même dans les derniers ouvrage parus elles ne font l’objet que de quelques lignes souvent truffées d’erreurs.

J’espère vous avoir apporté quelques précisions bien peu connues sur les quelques années de conflit auxquelles elles ont participé. Ces femmes, dont votre maman, furent des soldats remarquables dont le travail à permis d’épargner de nombreuses vie en décelant chez l’ennemie avec quelques heures, voir quelques minutes d’avance les choix d’attaques ou de bombardements permettant ainsi de soustraire les soldats des lignes visées. elles ont également permis, en renseignant précisément le commandement Français sur les moyens et les potentiels de l’adversaire, de mener des attaques décisives ou de choisir des itinéraires improbables.

Notre association est en charge de la partie « historique et mémoire de la Guerre Électronique » par délégation du musée des Transmissions de rennes. A ce titre, nous sommes preneur de toutes copies de documents officiels ou personnels ayant trait à ce domaine.

Cordialement
Éric K.

Et sur l’association:

Depuis début novembre, notre association à participé à plusieurs expositions dans notre région, l’Alsace, pour les commémorations du 11 novembre 1918 puis pour le 75ème anniversaire de la libération de Molsheim et Mutzig (26/11) ou se situe notre siège social.
Lors de ces expositions, la fille d’une Merlinette de la 808 CER, madame Divo, résidant sur place à progressivement mis à notre disposition les archives de sa maman pour en faire des copies numérique. Puis elle nous à offert des pièces d’uniforme et enfin, prenant confiance, elle nous à remis hier les cahiers de route de sa maman contenant force détails, photo et descriptions.
Pour notre association c’est un peu comme si l’on gagne le gros lot du loto sans avoir joué! c’est Noël avant l’heure! Le GRAAL!
C’est aussi la récompense de 15 années de recherche sur la Guerre Électronique Française qui elle aussi n’a pas d’histoire et aucune publication.
Enfin nous allons pouvoir donner corps et âme à ces jeunes filles qui, par devoir, sont restées d’une discrétion infinie sur les plus belles pages d’une histoire extraordinaire qui mérite de sortir au grand jour. Je vous joint deux photos de Merlinette: la première, en tenue de sortie d’hiver, provient du musée de Clerval dans le Doubs, la deuxième en tenue de sortie d’été, sur une base d’uniforme des WAC US perçue fin 1943, est celle que nous avons reçu récemment de madame Divo.

     

 

Et bien merci pour ce travail de mémoire, un grand merci ! 
Caillou, le 28 novembre 2019

le goût du couscous

Toulouse. 26 octobre 2017.
La seconde librairie d’Ombres Blanches est noire de monde. Comme je suis très en retard j’ai loupé l’introduction de la conférence de Mohamed Oubahli : « De Rabelais à Flunch, le goût du couscous». On me tend un petit escabeau. Jamais vu autant de monde rassemblé dans cette salle ! Cela déborde maintenant entre les rayons de la librairie.
« Le goût du couscous », cela attire donc tant de gens ? Tandis que j’écoute attentivement les propos du conférencier j’essaie de deviner qui est venu l’écouter ce soir-là… Des gens plutôt âgés qui ont un rapport personnel, familial, historique avec le couscous ? Des Maghrébins ? Oui, quelques-uns mais pas beaucoup. Des jeunes aussi, jeunes femmes surtout…
Sont-ils là pour fêter Horizons Maghrébins, la revue d’Habib Samrakandi qui a organisé cette soirée goûteuse et musicale ? Pour les 40 ans du service « Art et Culture » de l’Université Jean Jaurès ? Pour écouter le luth oriental de Marc Loopuyt ? Peut-être aussi le public habituel de la librairie ? Qu’importe après tout. Il y a beaucoup de monde pour un sujet rarement abordé dans ce genre de rencontre : l’histoire d’un plat.
Et puis d’ailleurs pourquoi moi suis-je venu l’écouter cette conférence ? Et là je suis très étonné car je croyais naïvement que le couscous était un simple plat d’Afrique du nord, une recette sans histoire, une coutume populaire transmise de générations en générations et se pliant par contre aux contraintes locales d’approvisionnement, de poisson ici, de choux là, de viande parfois. Or Mohamed Oubahli nous fait voyager dans toute la Méditerranée, nous a fait retourner au Moyen-âge, nous emmène au Portugal…
En particulier sur l’origine du mot couscous lui-même, nous sommes, je crois, éberlués par ce travail de fourmi, d’archiviste, de dénicheur de menus de restaurant du 19ème siècle parisien…
Et du coup, grâce à lui, la tradition du couscous devient dans nos oreilles comme un art majeur, un joyau de la cuisine au même titre que les très grands plats de la cuisine bourgeoise, le bœuf Strogonoff, la poularde demi-deuil ou le homard à l’armoricaine.

Mon rapport au couscous, à moi, c’est juste deux pauvres feuilles A4, tapées à la machine à écrire sur du papier pelure, qui ont été tellement lues, pliées et repliées, avec des taches de gras, qu’elles devraient depuis longtemps avoir rendu l’âme, si elles n’étaient pas pieusement encadrées au dessus de mon bureau.

Le couscous que je fais, une ou deux fois par an, c’est l’émerveillement devant un problème de mathématique ! Il est impossible de faire rentrer tous les ingrédients, légumes et viande que ma recette demande dans n’importe quel couscoussier familial. Il me faut sortir un ou deux faitouts supplémentaires. Et pourtant je relis à chaque fois cette phrase d’introduction : Confection du couscous algérien pour 4 PERSONNES !

C’est un couscous de l’exil destiné à être lu par des Français de France, des Francaouis.

Il a été tapé à la machine, dans les années 1960, par une secrétaire de direction venue d’Alger à Paris en 1947, après une guerre glorieuse, comme transmissioniste, entre 1943 et 1945 (Campagne d’Italie, Débarquement de Provence, Libération de la France, La bataille d’Alsace puis l’invasion de l’Allemagne Hitlérienne)
Elle avait laissé tout ce qui lui restait de souvenirs à Alger. Alors vivre en France, y fonder une famille, y recevoir en 1962 les parents « pieds-noirs » tout cela demandait des racines. Et le couscous en était une importante

Je conserve ce document unique depuis plus de 40 ans. Je le consulte à chaque fois que je fais un couscous pour mes amis et pour ma famille. C’est un document qui me fonde, totalement, et auquel je ne change rien, pas la moindre virgule. J’aime tellement ce moment où je plonge les mains dans la semoule très chaude pour y émietter les petits morceaux de beurre, pour bien mélanger ce sable jaune à la bonne odeur de cannelle avant de la remettre dans le torchon blanc au-dessus de la vapeur du bouillon. C’est toujours pour de grandes fêtes où nous sommes nombreux et pas, comme il écrit, pour quatre personnes. Mais c’est le couscous de Madeleine Safra, ma mère ! Disparue en 1973.

D’entendre Monsieur Oubahli donner au couscous de telles lettres de noblesse cela m’a fait chaud au cœur. Déguster, à la fin de la soirée d’Ombres Blanches le couscous marocain de Habib, fut un vrai couronnement. Il n’était pas aussi bon que celui de ma mère mais je crois que c’est une phrase que j’ai déjà entendue.

Merci beaucoup à cette belle équipe.

Caillou, le 2 novembre 2017

Merlinettes parachutées… suite

Un autre article de journal, du 16 juillet 2000.

merlinette

 

Article du 16 juillet 2000
Premier paragraphe / para (cha)chutiste ! (coquille)
LIBERATOR B24 (et non B14) : Quadrimoteur américain .
Elles furent parachutées d’Alger par l’OSS .
Hébergement hôtel restaurant en face de la gare.
Place de Jaude, place emblématique de Clermont-Ferrand.

Je remercie encore Jean-Georges Jaillot-Combelas
pour son envoi. Je rappelle d’ailleurs qu’il est
à la recherche de tout témoignage concernant les Merlinettes.
On peut le joindre par l’intermédiaire de ce blog en envoyant
un commentaire que je lui transmettrai.

Caillou, le 30 mars 2017

Merlinettes parachutées…

Dans cet article du journal La Montagne, paru le 11 juillet 2000, on en apprend un peu plus sur ces femmes admirables, les transmissionistes, surnommées les Merlinettes, qui combattaient contre l’occupation nazie pendant la seconde guerre mondiale.
Et en particulier sur celles qui furent parachutées en France.

Article La Montagne  J-C Delaygues . Photos Pierre Couble.

MERLIN1

MERLIN2

Jean-Georges  Jaillot-Combelas
apporte quelques précisions et corrections:

Continuer la lecture de Merlinettes parachutées…

On ne s’évade jamais du monde réel.

Guy Béart est mort.

Pour l’occasion ce chanteur un peu oublié, à la voix faible, un peu mièvre (du moins dans mon souvenir) est revenu sur les ondes.

Hier j’ai entendu pour la première fois sa chanson l’Hôtel Dieu. Et brusquement je réalise qu’il y parle du décès de sa mère dans l’hôpital parisien du même nom là où, justement ma maman  disparue traînait une vieille tuberculose pendant que le quartier latin se soulevait dans l’odeur âcre des lacrymaux.

Et cette chanson résonne en moi comme si, d’un coup quarante années plus tard, tout me revenait d’un coup. Résonne en moi jusqu’aux larmes.

On ne s’évade jamais du monde réel.

Caillou 20 septembre 2015

Lire aussi: https://www.cailloutendre.fr/2005/04/lhotel-dieu-2/

lhotel-dieu

Hôtel-Dieu
Pour une femme morte dans votre hôpital
Je réclame, Dieu, votre grâce
Si votre paradis n’est pas ornemental
Gardez-lui sa petite place
La voix au téléphone oubliait la pitié
Alors, j’ai couru dans la ville
Elle ne bougeait plus déjà d’une moitié,
L’autre est maintenant immobile
Bien qu’elle fût noyée à demi par la nuit
Sa parole était violence
Elle m’a dit « Appelle ce docteur » et lui
Il a fait venir l’ambulance
Ô temps cent fois présent du progrès merveilleux,
Quand la vie et la mort vont vite
Où va ce chariot qui court dans l’Hôtel-Dieu,
L’hôtel où personne n’habite?
D’une main qui pleurait de l’encre sur la mort
Il fallut remplir quelques fiches
Moi, je pris le métro, l’hôpital prit son corps
Ni lui ni elle n’étaient riches
Je revins chaque fois dans les moments permis
J’apportais quelques friandises
Elle me souriait d’un sourire à demi,
De l’eau tombait sur sa chemise
Elle ne bougeait plus, alors elle a pris froid
On avait ouvert la fenêtre
Une infirmière neutre aux gestes maladroits
En son hôtel, Dieu n’est pas maître
La mère m’embrassa sur la main, me bénit
Et moi je ne pouvais rien dire,
En marmonnant « Allons, c’est fini, c’est fini »
Toujours dans un demi-sourire
Cette femme a péché, cette femme a menti
Elle a pensé des choses vaines
Elle a couru, souffert, élevé deux petits,
Si l’autre vie est incertaine
Et si vous êtes là et si vous êtes mûr,
Que sa course soit terminée!
On l’a mise à Pantin dans un coin près du mur,
Derrière, on voit des cheminées
Guy Béart