W.A.WELLMAN: “L’étrange incident” et “Héros à vendre”

L’étrange incident

Dont le titre américain est “The Ox-Bow Incident” est un western, de 1943, qui raconte l’histoire d’un meurtre collectif, un lynchage.

Peter Fonda y est dans l’un de ses meilleurs rôles, silencieux, amer, désabusé, mais il n’est qu’un personnage parmi d’autres car il s’agit là aussi d’un film choral. Le vrai personnage du film c’est la foule de ces  hommes, (une seule femmes parmi eux), assoiffés de vengeance et qui vont commettre l’irréparable.

L’atmosphère y est poisseuse, lourde d’angoisse, et les multiples personnages y sont très bien campés.

Chacun est caractérisé, (peut-être un peu trop), et rempli un rôle social et dramatique qui participe à l’histoire collective. Car personne ne sort vraiment  indemne cette histoire. Toute la ville est responsable. Il y a bien un opposant, un commerçant de la ville, qui essaie d’entrainer le juge, en l’absence du sheriff absent.

Mais le juge à trop peur de ne pas être réélu et préfère s’abstenir, face à la colère des citoyens. Quand à l’adjoint du shérif il fait parti des plus excités. Il suffit alors d’un homme pour prendre la tête de la meute, un ancien militaire, pour que la bande meurtriers soit au complet.

Juste avant le lynchage par pendaison de ces trois pauvres bougres ils ne seront que sept à lever la main pour s’y opposer. Et il s’agit plus d’une abstention que d’un vrai refus car ils ont participé à la chasse à l’homme. Le coup de théâtre final (que je ne ne raconte pas) sonne comme la vraie morale de ce film qui n’est vraiment un western mais plutôt un film noir. Et qui reste d’actualité dans le débat  toujours présent entre le droit et la vengeance.

Malheureusement, pour ce film, le producteur a imposé à Welleman le tournage en studio et cela se voit dans les décors et s’entend  et dans les dialogues de la seconde moitié du film. Mais  c’est quand même un vrai bijou qui mérite d’être revu.

Une dernière scène est très importante, la lecture par Fonda de la lettre d’un des pendus. Elle est entièrement tournée en cachant les yeux du lecteur ce qui oblige le spectateur à écouter vraiment ce qu’il lit. Ce procédé est utilisé plusieurs fois par Welleman dans d’autre films et en particulier dans Héros à vendre, dans la scène de la prison.

Deux excellentes analyses, (bien plus profondes et fortes que je ne peux le faire) sont à lire ici:
– http://thisismymovies.over-blog.com/2015/12/l-etrange-incident-1943-de-william-wellman.html
et http://www.dvdclassik.com/critique/l-etrange-incident-wellman


Héros à vendre

Un film de 1933 qui raconte le parcours d’un homme, Tom Holmes, (Richard Barthelmess) dans l’Amérique de la crise économique de 1929. Son histoire commence pendant la première guerre mondiale ou les USA sont entrés en 1917. Dans de superbes images de la guerre des tranchées Welleman dénonce tout de suite la stupidité des “missions suicides”.

Tom Holmes grièvement blessé est fait prisonnier. Son acte de bravoure est revendiqué par un lâche. À la fin de la guerre Tom retourne en Amérique mais il est devenu morphinomane pour calmer ses douleurs. Il commet un vol dans la banque où il est employé pour payer sa drogue. Il est licencié et envoyé en cure de désintoxication.

Il rencontre alors une merveilleuse jeune femme, Ruth,  interprétée par Loretta Young (cf mon billet précédent sur la rose de minuit) qui travaille dans une blanchisserieet les locataires de la pension de famille tenue par Mary (Aline MacMahon), dont un ingénieur allemand communiste, Max, (Robert Barrat).
Tom est embauché dans la blanchisserie. Il devient père. Tout va bien.

Mais l’ingénieur invente une sorte de machine à laver industrielle qui finit par mettre tout le personnel au chômage ce qui entraîne un mouvement social violent contre la misère et Tom, malgré lui, en passe pour un des leaders.

Ruth meurt dans l’affrontement. La scène de l’émeute où elle est tuée est absolument stupéfiante! Ne serait ce que pour cette scène et celle de la tranchée, ce film doit absolument sortir de l’anonymat et de l’oubli.

Tom est emprisonné pour cinq ans comme agitateur.

Son ami ingénieur devient très riche par son invention. Il n’est donc plus du tout anti-capitaliste et bien contraire méprise totalement les chômeurs assistés. Il met de côté la part qui revient à Tom sur les bénéfices de l’invention et lorsque celui-ci sort de prison Tom découvre la situation épouvantable des pauvres dans l’Amérique de la crise.

La pension de famille est devenu un centre d’aide aux pauvres, une soupe populaire.

Tom qui ne veut pas toucher la fortune accumulée, qu’il considère tachée de sang, la donne à Mary pour qu’elle puisse continuer son œuvre caritative.
Il est constamment surveillé comme “rouge”, doit quitter la ville et il devient un chômeur vagabond comme les autres dans l’immense masse des déshérités.
Vers la fin du film il donne une sorte de morale optimiste sur l’Amérique qui renaîtra avec la politique de Roosewelt.

C’est donc un très beau film social et politique plein d’humanisme. Qui dénonce les lâches, les embusqués, l’industrialisation, la violence sociale, la chasse aux sorcières et… les communistes!

“Toute l’Amérique doit laver son linge sale”

Caillou, le 29 avril 2018

Un très bel article sur Welleman: http://www.sunrise54.fr/425613868

 

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