OH-OH-HOCHIMIN CHE-CHE-GUEVARA…

Je me souviens quand tu courais, le long du trottoir, pendant une manifestation contre la guerre du Vietnam. Des milliers de gens autour de nous hurlant : OH-OH-HOCHIMIN CHE-CHE-GUEVARA…  En sautant comme des fous. Et toi, Madeleine, ne pouvant pas courir avec tes talons, sautillant, à coté, sur le trottoir. Nous étions des milliers et je ne me souviens que de toi. Je me retournais pour voir si tu suivais. Nous étions en chaînes. Nous avions vingt ans. Nous allions détruire le vieux monde et tu étais avec moi ! Si tu savais ce qu’il est devenu le vieux monde !


OH-OH-HOCHIMIN CHE-CHE-GUEVARA… Quelques mois après la victoire du Viêt-Cong, la presse bourgeoise a commencé à parler des boat people, ces chinois qui foutaient le camp du Vietnam dans des embarcations de fortune. Tous ces gens mourant sur la mer de Chine, de soif, de faim, violées, assassinés par les pirates malais. Les démocraties occidentales les envoyaient croupir dans des mouroirs, sur des îlots perdus, sans soins, sans espoir. Pas de ça chez nous !

OH-OH-HOCHIMIN CHE-CHE-GUEVARA… Les khmers rouges ont gagné au Cambodge et ils ont assassiné un cinquième de la population. Nous avons mis du temps avant de nous en rendre compte tellement nous étions sûr que c’était de la propagande américaine. Et bien, c’était vrai !

OH-OH-HOCHIMIN CHE-CHE-GUEVARA… À Cuba, Fidel emprisonne les homosexuels et les dissidents. La prostitution est revenu. On accueille maintenant tous les touristes, de n’importe quel pays, pourvu qu’ils emmènent des dollars. Le pays est économiquement moribond et son leader maximo, grabataire, est toujours là, inébranlable devant sa défaite. Ils ont reconstruit les gérontocraties soviétiques. Et les Cubains partent à la nage, accrochés à des matelas gonflables, rejoindre l’Eldorado de Miami.

Disparue en 1973, tu n’auras pas assisté à cet effondrement de la moitié du monde, à cet écroulement du socialisme réel, le mur de Berlin qui tombe, Léningrad redevenant Saint Petersbourg, le capitalisme s’installant en Chine, mais aussi, et surtout à cet arrachement de toutes les valeurs  qui nous faisaient courir, tous les deux, parmi des milliers d’autres, sur ces pavés glissants, dans le treizième arrondissement, en scandant à pleins poumons : OH-OH-HOCHIMIN CHE-CHE-GUEVARA…

Caillou, 5 décembre 2007

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