Disparaître en Indochine – 8

Chapitre 8

Le lendemain matin dans un petit hôtel de la rue Monsieur le Prince, Thierry tartinait d’une excellente confiture de mûres une fine tranche de baguette parisienne craquante et dorée. Le café était délicieux. La journée s’annonçait belle et tout en prenant cet excellent petit déjeuner il réfléchissait  à ce qu’il pouvait bien faire maintenant. Comment sauver son héritage ? M. Wang ne s’était pas trompé en reconnaissant Adrien sur la photo de 1939 ! Son oncle était à Haiphong en 46 ! Qu’était-il devenu ? Il n’y avait plus qu’une toute petite piste, celle de ce commissaire qui, en 1948, recherchait peut-être Adrien sous un autre nom, sous une autre identité, celle d’un certain Jérôme. Que lui voulait-il ? Marché noir ? Banditisme ?

– Nathalie ? Je te dérange ?
– Pas du tout mon chéri. C’est un peu de bonne heure, mais je n’ai cours qu’à deux heures. Comment ça va à la capitale ?
– Il fait beau ! Je suis dans un hôtel pas très loin du boulevard Saint-.Michel. Bon, hier j’ai vu M. Wang. Il n’y a aucune chance qu’il se soit trompé. C’était bien mon oncle qu’il a vu en 1946. Par contre il m’a indiqué qu’un enquêteur de la police française, à Hanoi, le recherchait peut-être sous un autre nom en 1948. Je ne sais que le nom de ce flic. Je n’ai rien d’autre et s’il n’y a rien au bout, je rentre et c’est fichu.
– Non, je ne crois pas. Même si ton oncle n’a pas disparu en 44, rien ne dit qu’il est vivant, ni qu’il a eu une famille. Cela mettra peut-être du temps, mais tu devrais quand même hériter de ton grand-père.
– Écoute, un de mes copains de fac est documentaliste à la préfecture de la Seine. Il devrait t’indiquer où tu peux consulter les archives de la police française en Indochine et trouver quelque chose sur cette histoire. Tu as au moins le nom du commissaire, c’est un début…
– Le nom du flic, c’est Blanchard !
– Ok, va voir mon copain. Il va te guider

Quelques heures plus tard, Thierry, sur les indications de l’ami de Nathalie, était dans une des salles de consultation au CARAN, rue des Quatre Fils, dans le troisième arrondissement. On lui avait indiqué sur un registre le gros dossier de la police française du Tonkin, mais il ne trouvait nulle trace d’une enquête sur ce Jérôme. Par contre il retrouva très rapidement le nom de Blanchard. Il avait été en poste à Hanoi jusqu’en 1954 puis, après la signature des accords de Genève, il  avait rejoint l’Algérie, mais pour très peu de temps, puisqu’il avait pris sa retraite en 1956. Les états de service de ce commissaire se terminaient à Alger, d’où il était rentré en France. Ces archives lui donnèrent aussi un prénom : Maximin,  Maximin Blanchard. Et ce fut ensuite très facile, avec un minitel, de retrouver, dans la banlieue nord, à Aubervilliers, le seul Maximin Blanchard inscrit au téléphone. Lorsqu’il sortit du CARAN, Thierry était très content. Il n’avait pas perdu sa journée et dans la soirée il essayerait de téléphoner à ce monsieur pour obtenir un rendez-vous.

À suivre…

Caillou, 1984

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