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Le train fatal ? Pourquoi ? Ce virus illustre la fin d’un monde.

Abandon. photo MB

La remise en cause du progrès infini du genre humain est en marche.
Le progrès, qui était une caractéristique de la gauche politique et sociale, est battu en brèche par les découvertes effarantes du gouffre dans lequel le néolibéralisme mondialisé précipite la planète entière: le réchauffement climatique, l’eau de plus en plus rare, la biodiversité qui s’effondre, les guerres interminables, les migrations des plus faibles …  La crise sanitaire actuelle peut-elle nous faire prendre conscience de cette situation ? Sommes nous à l’aube d’une révolution ou d’un effondrement ? Le train lui est en marche.

On peut lire le texte ci-dessous. Bonne lecture. Caillou.

Geneviève Azam : « Ce virus illustre la fin d’un monde »

La crise du coronavirus montre les limites de la mondialisation. Mais selon l’économiste Geneviève Azam, aucune solution ne sera efficace sans une remise en question globale.

Une épidémie aura donc eu plus d’écho que le discours altermondialiste, martelé depuis plusieurs décennies. La mondialisation est enrayée et le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, prône désormais la relocalisation des chaînes de production stratégiques, dont certaines ont été délocalisées il y a seulement quelques années. Selon Geneviève Azam, également militante chez Attac et chroniqueuse pour Politis, ces quelques annonces ne suffisent pas. Si le monde est malade du néolibéralisme, il l’est surtout de son rapport au vivant, trop souvent négligé au profit… du profit.

Quelle radiographie le Covid-19 fait-il de la mondialisation ?

Geneviève Azam : On voit l’effondrement des bourses, les difficultés des entreprises, qui pointent les problèmes de la mondialisation et de la dépendance. C’est le symptôme d’une organisation du monde qui peut favoriser la prolifération de ce type d’événement et en faire un événement global et incontrôlable.Cela fait quarante ans que nous sommes sous un régime de globalisation économique absolument forcené avec l’intensification des échanges lointains, de la concurrence et des délocalisations. Un chiffre qu’on a donné est très parlant : 80 % des principes actifs des médicaments sont importés de Chine et d’Inde, contre 20 % il y a trente ans. On entend aujourd’hui qu’il s’agit d’engager une sorte de protectionnisme sanitaire et de relocaliser. Cependant, ce qui est en jeu, c’est bien sûr la globalisation, la délocalisation d’industries polluantes (on le dit peu), mais aussi la modification de notre rapport à la santé. Si on a pu autant délocaliser, c’est parce qu’on a simplifié les besoins de santé, les besoins sanitaires, réduits à un capital santé et à la production de quelques molécules par l’industrie chimique. Au nom d’une vision économique et industrielle, on a simplifié ce qu’est la santé des populations et détruit les barrières biologiques présentes dans la nature.

Plus qu’un nouvel ordre économique, le coronavirus permettrait donc de mettre l’humain au centre des préoccupations ?

Le Covid-19, une maladie aussi économique

  • La baisse des exportations mondiales se chiffrerait à hauteur de 320 milliards de dollars de biens et de services en un trimestre, selon l’assureur Euler Hermès. C’est environ ce qu’avait coûté en un an la guerre commerciale sino-américaine.
  • 350 000 conteneurs ont été retirés du marché selon l’International Chamber of Shipping, alors que la Commission européenne indique que les départs de conteneurs depuis la Chine ont été réduits de moitié ces quatre dernières semaines. Mardi 10 mars, une reprise « encadrée et limitée » du trafic reprenait toutefois en Chine.
  • Dans le transport aérien, Air France enregistre une baisse de 7 % de son activité, et les réservations sur les lignes du groupe ont chuté de 70 %. Selon Le Monde, une note d’information envoyée aux salariés les inviterait à « prendre des congés sans solde ou à anticiper leurs vacances ».
  • En Chine, les particules fines dans l’air ont diminué de 20 à 30 % au mois de février par rapport aux trois dernières années. Une fois l’épidémie maîtrisée, une reprise de l’activité accrue pourrait toutefois annuler cette amélioration.
  • Après une baisse de la demande pétrolière de la Chine, l’entente des producteurs de pétrole volait en éclats et le prix du baril s’effondrait ce lundi 9 mars, passant sous la barre des 30 dollars, avant de rebondir. Combiné à la poursuite de l’épidémie, le phénomène entraînait une dégringolade des indices boursiers d’environ 7 % en moyenne. Pour la première fois depuis 2008, un coupe-circuit, gelant les échanges quelques minutes, a même été déclenché à Wall Street.
  • Tous les secteurs ne sont néanmoins pas perdants. Dans certains pays comme la France, l’Allemagne et surtout l’Italie, la consommation des produits de première nécessité a explosé tout comme le e-commerce.

Pas seulement l’humain, le vivant ! On se rend compte de notre vulnérabilité et de la nécessité de barrières protectrices. Mais lesquelles ? Des barrières protectrices face à l’expansionnisme capitaliste, à sa conquête violente du vivant et pas seulement des droits de douane sur tel ou tel produit. Les virus passent les frontières. Il faut donc revenir à l’idée que nous sommes pris dans un tissu complexe de vivants. Et si nous fracturons ce tissu pour se l’approprier, nous nous exposons à ces menaces. On dit que le coronavirus est transmis aux humains par la faune sauvage. Or nous avons massivement détruit les habitats du monde sauvage, nous avons anthropisé la Terre. L’humain est partout, si bien que les barrières biologiques avec le monde sauvage sont rompues. Cela accroît les potentialités de ce type de virus.

S’arrêter à un questionnement purement économique occulterait donc les aspects écologiques nécessaires pour résoudre cette crise ?

Je suis bien sûr convaincue de la nécessité d’une relocalisation et d’une reterritorialisation des activités. Mais comment et lesquelles ? C’est une question politique. Par ailleurs, qu’est-ce que la santé quand les résistances immunitaires des humains sont dramatiquement diminuées avec les perturbateurs endocriniens, la consommation à outrance d’antibiotiques, une alimentation industrielle polluée et appauvrie, avec les perturbations climatiques et une vie rivée à des écrans ?

Pourtant, l’actuelle remise en cause du système a du mal à dépasser l’aspect économique…

Oui parce qu’il y a des intérêts très forts et un formatage de la pensée. Avec des effondrements boursiers, des problèmes d’emploi, la difficulté d’organiser une production globalisée, où des pénuries à certains endroits bloquent toute la chaîne de production, devient évidente. En se globalisant le système s’est aussi fragilisé. D’où la panique des puissants.

Qu’est-ce que cette crise peut ouvrir comme perspective ?

Espérons que nous allons en tirer les leçons. J’en doute du côté des institutions actuelles. L’Union européenne vient de signer un accord de libre-échange avec le Vietnam. La Chine est devenue plus chère, il y a donc encore la possibilité de délocaliser dans des pays plus « compétitifs ». Il faudrait donc remettre sur la table tous les accords de libre-échange négociés avec l’Asie, l’Afrique ou l’Amérique. Mais relocaliser, encore une fois, pas pour faire la même chose et de la même manière. De nombreuses expériences et résistances de base ouvrent dès à présent des voies en ce sens. C’est la reconstruction de milieux de vie, la communalisation de l’eau, des semences, de la terre, c’est le soin apporté au vivant, humain et autre qu’humain.

Bruno Le Maire parle de réguler, de relocaliser les secteurs stratégiques et dit qu’il y aura un avant et un après cette épidémie sur l’organisation de l’économie. Cela ne témoigne-t-il pas d’une prise de conscience ?

Oui, il parle. Quelle relocalisation ? Trump aussi « relocalise ». Mais s’il s’agit de faire du Trump, bon… On aura des relocalisations compétitives et nationalistes sans répondre aux défis terribles qu’on a devant nous. Un exemple, ce sont les terres rares (1). La plupart des terres rares exploitées sont situées en Chine. Si nous voulons relocaliser, nous le pouvons car il y a des terres rares dans la Méditerranée. Quelle est la solution ? Aller les chercher dans la Méditerranée ? Laisser ces activités polluantes à la Chine ? Ou bien poser en amont la question du modèle industriel dévoreur de ces terres et de la santé des populations ?

Ces changements promis peuvent-ils s’inscrire sur du long terme ?

Le débat présent est centré sur l’organisation dans la panique d’une réponse sanitaire et bien sûr économique. C’est-à-dire sauver les meubles, car ils ont perdu des leviers. Les chaînes de production mondiales sont tellement imbriquées, que ce ne sont pas les discours martiaux de M. Le Maire qui vont permettre l’arrivée des pièces manquantes dans tel ou tel secteur.

Néanmoins, je crois que ce virus illustre la fin d’un monde. Toutes les promesses du néolibéralisme se sont cassé la figure. On arrive à l’étouffement du monde globalisé. Qui pourrait parler avec Alain Minc de « mondialisation heureuse » ? Et, surtout, le discours biologisant du néolibéralisme, avec pour maîtres mots l’adaptation, la mutation, la compétition, la sélection, et pour promesse majeure l’amélioration de la santé et de la vie, est par terre. Ce virus est aussi le symptôme d’une dévitalisation profonde dans tous les domaines, du travail aux milieux de vie. Il peut en rester cependant le renforcement d’une gestion biopolitique des populations, appuyée par les algorithmes, avec contrôles, confinements, tris, autorépression.

On parle de santé, d’écologie, d’économie, mais cette épidémie a-t-elle également une dimension sociale ?

Aux États-Unis, 28 millions de personnes n’ont aucune protection sociale. Ces personnes ne peuvent pas être remboursées des coûts du dépistage, qui peuvent osciller entre 2 000 et 4 000 dollars. Or si des personnes ne peuvent pas faire le test parce que c’est trop cher, ça renforce le risque de propagation du virus. C’est plus qu’une dimension sociale, ce sont des choix politiques et éthiques d’organisation des systèmes de santé.

En englobant tous ces aspects, le coronavirus peut-il permettre un déclic ?

J’étais à Toulouse dans la manifestation des femmes pour le 8 mars. Tonique et vitale. Le coronavirus était ironiquement présent. Une manière de déplacer les peurs et d’identifier les menaces.

(1) Les terres rares sont un groupe de métaux (scandium, yttrium, lanthanides), très utilisés dans de nombreuses industries, en particulier la téléphonie mobile, l’électroménager et les éoliennes.

Geneviève Azam Chercheuse à l’université Toulouse-Jean-Jaurès.

Le train fatal

la chanson
Espagne - 1974 - Photo MB
Espagne – 1974 – Photo MB

Depuis quelques semaines, avec cette épidémie qui arrive, une chanson me trotte dans la tête. C’est mon père qui la chantait. En voici les paroles:

Dans la campagne verdoyante
Le train longeant sa voie de fer
Emporte une foule bruyante
Tout là-bas, vers la grande mer
Le mécanicien Jean, sur sa locomotive
Regarde l’air mauvais Blaise, le beau chauffeur
La colère dans ses yeux luit d’une flamme vive
De sa femme chérie, Blaise a volé le cœur !!

Roule, roule, train du plaisir
Dans la plaine jolie
Vers ton bel avenir
D’amour et de folie
L’homme rude et noir qui conduit
Cette joyeuse foule
Sent de ses yeux rougis
Une larme qui coule

Des heureux voyageurs,
on entend les refrains
Suivant les rails et son destin
C’est le train du plaisir qui roule

Le pauvre Jean, perdant la tête,
Rendu fou par la trahison,
Sur son rival soudain se jette
Criant : »Bandit, rends-moi Lison ! »

Le chauffeur éperdu fait tournoyer sa pelle
Jean lui sautant au cou, l’étrangle comme un chien
Et tous les deux rivés par l’étreinte mortelle
Tombent de la machine, abandonnant leur train !
Roule, roule, train du malheur
Dans la plaine assombrie
Roule а toute vapeur
D’un élan de folie

Les paysans, saisis, te voyant
Tout seul fendant l’espace
Se signent en priant
Et la terreur les glace !
Des heureux voyageurs
on entend les refrains
Suivant son terrible destin
C’est le train du malheur qui passe .

Tiens, la chose est vraiment bizarre
On devait s’arrêter ici !
Le train brûle encore une gare
Ah, ça, que veut dire ceci ?
Alors du train maudit, une clameur s’élève
On entend des sanglots et des cris de déments
Chacun revoit sa vie dans un rapide rêve
Puis c’est le choc, le feu, les appels déchirants

Flambe, flambe, train de la mort
Dans la plaine rougie
Tout se brise et se tord
Sous un vent de folie
Les petits enfants, leurs mamans
S’appellent dans les flammes
Les amoureux râlant
Réunissent leurs âmes

Pourquoi ces pleurs, ces cris,
pourquoi ces orphelins
Pour un simple, un tout petit rien :
L’infidélité d’une femme !

Le Train fatal est une chanson française de Charles-Louis Pothier
dont la musique a été composée par Charles Borel-Clerc.
Elle a été interprétée pour la première fois en 1916 par Adolphe Bérard.
Et si on enlève le thème (vieillot et sexiste) de la femme infidèle pour ne garder que la fuite éperdue vers l’effondrement collectif et la mort cette chanson parle tout a fait de ce que nous sommes tous en train de vivre.
Caillou, le 19 mars 2020 

Et un grand merci à Robert
qui m’a permis de remettre cailloutendre sur ses rails

Une porcherie industrielle sur un lieu de mémoire !

Samedi 7 mars 2020, dans le Tarn et Garonne à la gare de Borredon.

En 1939, c’est là que discrètement, loin des villages où les autorités pouvaient craindre l’émotion des voisins, l’Etat français déversait les soldats vaincus de la République Espagnole: pour désengorger les camps du Roussillon, Argelès, St-Cyprien, Le Barcarès, Rivesaltes, et pour les enfermer derrière les grillages du Camp de Jude à Septfonds.

Pour beaucoup ce fut l’antichambre du  camp de concentration nazi de Mauthausen.

 

 

 

 

 

Nous faisons le chemin que ces prisonniers devaient emprunter, sous bonne garde, pour rejoindre le camp.

Une petite troupe marche dans la campagne. Un drapeau catalan…

Le temps est changeant. Presque froid et venteux et puis parfois des éclaircies et un soleil qui réchauffe. Alors on se regroupe, on chante.

Le drapeau de la République espagnole.

Et on repart.

Mais pour moi le cœur n’y est pas. Je m’attendais à une grosse mobilisation. A une arrivée massive de gens indignés par l’insulte faite à la mémoire des camps d’internement. Et nous ne sommes pas très nombreux. Une grande partie venue d’Espagne, des Asturies, de Madrid, de Catalogne et d’autres de plus près. Mais qu’un industriel veuille répandre des tonnes de lisier de cochon juste en face d’un mémorial ne semble pas soulever une colère locale. Triste époque!

Au fond de la prairie les bâtiments de la porcherie industrielle de 10 000 cochons sont déjà construits. Devant, sur cette étendue verte où se trouvait le camp de Septfonds en 1939, vont s’étendre les tonnes de lisier.

Sur une petite colline, voilà tout ce qui reste pour la mémoire. Un monument, des panneaux d’explications, quelques photos.  

 

Vient le temps des discours…

Vient le temps de la colère et de la honte.

Cela peut paraître de l’Histoire mais ce qui se passe en ce moment avec les migrants aux portes de l’Europe et des Etats-Unis relève de la même colère et de la même honte. Les puissants, qui nous dirigent, préfèrent toujours l’Économie (le lisier de porc) aux valeurs d’humanité dont pourtant ils se gargarisent.

 

Caillou, le 10 mars 2020

d’autres images, ici:

RESPECTER L’HISTOIRE : marche pour la dignité, de Borredon à Septfonds (galerie Louis Obis)

RESPECTER L’HISTOIRE : Marche de la gare de Borredon au camp de concentration de Septfonds (galerie Christian Morales)

Algérie : L’artiste-peintre et bédéiste algérien Nime arrêté pour des caricatures politiques.

Le silence des médias français sur ce qui se passe en Algérie en ce moment est assourdissant. Pourtant le mouvement (HIRAK) continue, tous les vendredis, et les arrestations se multiplient.

NIME est un artiste et un brillant manager d’une célèbre agence de communication dans la wilaya d’Oran.
Mardi après-midi, des éléments des services de sécurité ont débarqué dans son bureau et saisi tout son matériel informatique.
Durant son interrogatoire, son facebook a été ouvert et son smartphone décortiqué.
Les services ont tenté de savoir quels étaient ses accointances politiques comme si le désir de liberté était un crime puni par la loi.
Il lui est reproché d’avoir croqué quelques personnalités influentes de la junte militaire et politique qui ont spolié les Algériens de leur soif de démocratie.
 Il sera présenté aujourd’hui au procureur.
NIME EST INNOCENT DE VOS INDIGNITÉS,
 IL EST UN ARTISTE TALENTUEUX,
 IL EST UN ESPRIT LIBRE D’ALGERIE !LIBÉREZ NIME,
 LIBÉREZ LES DÉTENUS POLITIQUES,
ILS SONT LA DIGNITÉ DE L’ALGERIE !

Selon le Comité National pour la Libération des Détenus (CNLD),
l’artiste Abdelhamid Amine a été arrêté le 26 novembre 2019 
dans les locaux de son agence de publicité et son matériel a été saisi.
Il a été présenté ce jeudi 28 novembre devant le procureur du tribunal de la Cité Djamel d’Oran 
et a été placé en détention provisoire.
Les charges retenues contre lui seront précisées lors de l’audition du 5 décembre prochain.
Toujours selon le CNLD, son arrestation serait relative à la publication d’œuvres de caricature politique 
dont celle ci-dessous publiée le 3 novembre, intitulée « L’élu ». 
Évoquant le roman « Cendrillon », elle représentant les cinq candidats à l’élection présidentielle prévue le 19 décembre 2019 
et le Chef d’Etat-Major Ahmed Gaïd Salah chaussant Abdelmajid Tebboune, 
l’un des candidats à l’élection. En arrière-plan, on aperçoit la silhouette du président sortant, Abdelaziz Bouteflika.

Cartooning for Peace suit de près la situation de l’artiste et attend l’audience du 5 décembre pour connaître la raison de son incarcération et pour connaître les charges qui sont retenues contre l’artiste.

« Merlinettes » – La compagnie 808

La broche de Madeleine


Sur l’histoire des Merlinettes,

j’ai reçu une lettre formidable
et j’en fait part, avec leur accord…

Elle m’a été envoyée par l’Association de la Guerre Electronique de l’Armée de Terre.

 

Voici ce que nous savons sur la Cie 808:

Cette Cie fut créée le 1er avril 1943 à partir du Groupement des contrôles radioélectrique (GCR) d’Alger. L’origine de cet organisme remonte au 9 août 1940 (créé par le général Weygand) par le regroupement des éléments et des personnels assurant les écoutes et la radiogoniométrie du temps de paix et du temps de guerre.

Cette Cie participe à la campagne d’Italie au sein des éléments de réserve générale du commandement du Corps Expéditionnaire Français (CEF). Sa tache consiste à rechercher des renseignements par l’écoute et la localisations des stations et des réseaux radio de l’ennemi. Au cours de cette campagne, elle sera renforcée et morcelée selon les besoins opérationnels pour être enfin réorganisée le 1er janvier 1944 en 3 unités.

La 808 CER (Cie Écoute et Radiogoniométrie) en Italie, la 828 SER (Section Écoute et Radiogoniométrie) à Hydra en Algérie  et la 838 CER à Oran.

La 808 CER débarque en Provence le 16 août 1944 et suivra l’Armée du Général de Lattre  jusqu’au bout de son périple en Allemagne et en Autriche. Elle sera dissoute le 1er mai 1945 et la plus part de ses personnels dirigés sur Paris pour affectation au GCR reconstitué début 1945. Quelques uns seront affectés à la Compagnie de Transmissions 815 à Berlin pour effectuer le même travail et un petit nombre de spécialistes seront regroupés avec les autres compagnies de réserve générale pour former le 18ème Régiment de Transmissions en Allemagne.

Ce 18ème RT prendra l’appellation de 42ème RT le 1er juillet 1947. Le reliquat de la 808ème CER donnera naissance, plus tard vers 1949, au sein de la 3ème Cie du 42ème RT à une unité écoute et gonio dont la filiation en ligne directe débouchera sur le 44ème RT aujourd’hui stationné à Mutzig.

Cette Compagnie 808 est considérée comme l’unité mère de toutes les unités de « Guerre Électronique » militaires de l’Armée de Terre (le GCR étant sous la tutelle des services spéciaux).

En ce qui concerne les Merlinettes, en fonction de leur formation, il existe 2 filières.
D’une part, celles qui se sont engagées dans le tronc commun des transmissions, formées sous l’autorité du capitaine COT et de madame TRABUT.
D’autres part, celles qui se sont engagées ou ont été reversées (après les tests d’aptitude) au GCR pour devenir des opératrices d’écoutes, des secrétaires d’analyse ou des interprètes / traductrices. Ces dernières furent assujetties au secret le plus absolu sur leur travail et quasiment aucune n’a transgressé ce contrat même dans les quelques textes mémoriaux qu’elles produisirent!

Les Merlinettes de ces unités (808,828 et 838) furent employées dans de nombreux cas, notamment en Italie, aux postes les plus avancés, parmi les équipes d’observateurs d’artillerie ou camouflées dans des ruines au plus près des lignes ennemie afin de capter ou de traduire les messages des radios à très courte portée en VHF des Allemands.

Cette activité d’espionnage de l’adversaire ne s’arrête jamais, 24 heures sur 24, le casque d’écoute sur les oreilles. Aucun bruits, aucun son, aucune conversation ou aucun appel ne dois échapper à l’opérateur ou l’opératrice. Il faut se faire remplacer pour aller faire pipi ou quoi que ce soit d’autre durant son temps de veille qui dure en moyenne 6 à 8 heures.

Quelque soit l’inconfort des lieux, il faut rester discret, ne pas faire de bruit, ne pas quitter son poste, supporter le bruit de fond permanent du spectre radioélectrique directement dans ses oreilles et manger froid car la fumée, de la nourriture ou de la cigarette est prohibée.

A l’arrière, durant son temps de repos, non seulement il ne faut pas trainer pour les taches quotidiennes (repas, toilettes, lessives et entretient des matériels ou de l’armement) mais il faut aussi se taire! Pas de conversation en société sur l’activité passée, pas même avec une autre membre de l’équipe car il peut toujours se trouver une oreille indiscrète.

Si vous ajoutez à tout cela les problèmes inhérents aux personnels féminins (promiscuité avec les hommes, toilette et lessive intime chaque mois et quelques particularités du paquetage non fournies). Un  accueil particulièrement exécrable de la population Française qui les considère comme des filles à soldats ou des paillassons d’officiers alors que tous les hommes étaient accueillis en Héros. Il faut reconnaitre chez ces jeunes femmes des sacrés doses de courage, d’abnégation et de vaillance que l’on croisent rarement chez les hommes.

A toutes ces Merlinettes et plus particulièrement à celles des compagnies 808 et consoeurs, nous devons un éternel respect, une immense reconnaissance de leurs actions et la sauvegarde illimitée de leurs mémoires!

Bien malheureusement, aucun livre digne de ce nom n’a encore été publié sur leur histoire et même dans les derniers ouvrage parus elles ne font l’objet que de quelques lignes souvent truffées d’erreurs.

J’espère vous avoir apporté quelques précisions bien peu connues sur les quelques années de conflit auxquelles elles ont participé. Ces femmes, dont votre maman, furent des soldats remarquables dont le travail à permis d’épargner de nombreuses vie en décelant chez l’ennemie avec quelques heures, voir quelques minutes d’avance les choix d’attaques ou de bombardements permettant ainsi de soustraire les soldats des lignes visées. elles ont également permis, en renseignant précisément le commandement Français sur les moyens et les potentiels de l’adversaire, de mener des attaques décisives ou de choisir des itinéraires improbables.

Notre association est en charge de la partie « historique et mémoire de la Guerre Électronique » par délégation du musée des Transmissions de rennes. A ce titre, nous sommes preneur de toutes copies de documents officiels ou personnels ayant trait à ce domaine.

Cordialement
Éric K.

Et sur l’association:

Depuis début novembre, notre association à participé à plusieurs expositions dans notre région, l’Alsace, pour les commémorations du 11 novembre 1918 puis pour le 75ème anniversaire de la libération de Molsheim et Mutzig (26/11) ou se situe notre siège social.
Lors de ces expositions, la fille d’une Merlinette de la 808 CER, madame Divo, résidant sur place à progressivement mis à notre disposition les archives de sa maman pour en faire des copies numérique. Puis elle nous à offert des pièces d’uniforme et enfin, prenant confiance, elle nous à remis hier les cahiers de route de sa maman contenant force détails, photo et descriptions.
Pour notre association c’est un peu comme si l’on gagne le gros lot du loto sans avoir joué! c’est Noël avant l’heure! Le GRAAL!
C’est aussi la récompense de 15 années de recherche sur la Guerre Électronique Française qui elle aussi n’a pas d’histoire et aucune publication.
Enfin nous allons pouvoir donner corps et âme à ces jeunes filles qui, par devoir, sont restées d’une discrétion infinie sur les plus belles pages d’une histoire extraordinaire qui mérite de sortir au grand jour. Je vous joint deux photos de Merlinette: la première, en tenue de sortie d’hiver, provient du musée de Clerval dans le Doubs, la deuxième en tenue de sortie d’été, sur une base d’uniforme des WAC US perçue fin 1943, est celle que nous avons reçu récemment de madame Divo.

     

 

Et bien merci pour ce travail de mémoire, un grand merci ! 
Caillou, le 28 novembre 2019

La terre des morts

J’entends une publicité sur « France inter », radio publique donc radio commune. (Si j’en crois la nouvelle idéologie des biens communs) :
                               Jamais un polar ne vous aura autant torturé de plaisirs
Il s’agit de la dernière œuvre de Jean-Christophe Grangé, «La terre des morts».
                                Avec son nouveau polar « La Terre des morts », Jean-Christophe Grangé frappe fort et entraîne le lecteur dans les bas-fonds de la nature humaine. Le commandant Stéphane Corso se retrouve chargé d’une enquête particulièrement sordide. Autour de meurtres crapuleux de strip-teaseuses, nous voilà plongés dans les méandres du porno d’une rare violence, celui où les limites n’existent pas et où toutes les déviances sont possibles. http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/livres/la-terre-des-morts-jean-christophe-grange-de-plus-en-plus-noir-03-05-2018-7695504.php

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W.A.Wellman, suite et peut-être fin.

Buffalo Bill est un film de commande qui date de 1944.
C’est une hagiographie un peu sirupeuse du personnage très connu de l’Ouest américain, le tueur de bison mais aussi l’ami des Indiens. Je trouve que les scènes de bataille sont vraiment magnifiques, mais j’avoue avoir réglé mon téléviseur en noir et blanc pour ne pas en voir les couleurs très laides. L’intérêt de ce western humaniste et mièvre est certainement le discours sur les Indiens. En voici un extrait:

Je ne crois pas comme le général Sherman qu’un bon Indien est un Indien mort. D’après ce que j’ai vu l’Indien est un Américain légitime. Il se bat pour les siens, pour sa terre, pour sa survie, comme tout Américain le ferait. Si vous connaissiez les Indiens, si vous pouviez les voir vous-mêmes comment ils défient la nature avec pour seul outil leurs mains nues, vous ne le forceriez  pas à rompre les traités pour suvivre. Mais le mal vient de là. Vous les gens de l’Est agissez sans savoir et voilà pourquoi nous les gens de l’Ouest et les Indiens  en avons souffert. Le seul Indien que vous connaissez et auquel vous avez pensé c’est l’Indien qui est sur votre monnaie.  

Lire ici une excellente critique sur ce film.


Franchement mauvais la joyeuse suicidée (nothing sacred) qui date de 1937 est une comédie où une jeune femme (Carole Lombard) devient célèbre parce qu’elle doit mourir d’un empoisonnement au radium alors qu’il s’agit d’une erreur de diagnostic. Un journaliste à sensation (Fredric March) fait monter la mayonnaise. C’est bavard, vieillot, mal joué, pas drôle et mérite d’être oublié.


Plus intéressant Une étoile est née, (A star is born ) de 1937 avec le même Fredric March et Janet Gaynor montre le rêve d’Hollywood pour Esther, une jeune provinciale et comment elle réussit tandis que son compagnon, un acteur très célèbre, sombre lui dans l’alcool et l’oubli. Ce film, très célèbre à l’époque, a été souvent l’objet de « remakes ». En 1954 avec Judy Garland, en 1976 avec Barbra Streisand et, prévu pour 2018, avec Lady Gaga. Du coup cette histoire a un goût de déjà vu… Mais j’aime beaucoup la scène désopilante dans le camping car.


Très mauvais, à mon goût L’ennemi public de 1931 avec James Cagney et Jean Harlow  est surjoué. Il fait des grimaces comme un clown (qui doit être vu de loin) et la blonde platinée se dandine dans le satin. Les situations sont convenues, l’image est plate, le noir et blanc plutôt gris et la morale sirupeuse à souhait. Ce n’est pas un film noir, un film de gangster, bien qu’il s’en donne l’air. C’est une projection poussiéreuse d’un vieux film lors d’un après midi triste dans un hangar dédié au catéchisme.


L’allée sanglante, qui date de 1955 est dans un tout autre genre:  le film d’aventures, qui met en scène un capitaine plein de courage (John Wayne) et une américaine perdue (Lauren Bacall) qui vont sauver tout un village chinois de l’oppression communiste. La vision américaine des « communistes » est du plus haut comique. Mais L’allée sanglante est quand même un film intéressant. D’abord par sa couleur, qui est moins chromo que dans les films précédents (Au-delà du Missouri de 1951), par ses scènes de combat avec un très grand nombre de figurants, et par la multiplicité des personnages qui, comme dans beaucoup de films de Wellman, sont campés avec une vraie profondeur.


Et enfin Bastogne, qui date de 1949, un film de guerre quasiment documentaire et qui retrace la vie d’une section d’infanterie lors de la bataille des Ardennes en 1944. Le noir et blanc y est superbe et les images sont souvent d’une beauté incroyable. Chaque personnage est caractérisé, surprenant et Wellman évite absolument les situations prévisibles et convenues. Curieusement je trouve que Bastogne est visuellement un plus beau film de guerre que Story of G.I. Joe qui date de 1945. On y retrouve aussi le thème de l’absence de la femme. Ces héros ont peur, ils vont être sacrifiés, ils le savent et l’émotion est très présente.

Voilà, je vais m’arrêter là. J’aurais beaucoup aimé voir les premiers films de Wellman, et surtout Others Men’s Women (1931) L’Ange blanc (1931) La Petite Provinciale (1936)  La Lumière qui s’éteint (1939) Le rideau de fer (1949) mais c’est un peu difficile à trouver en DVD.

Caillou le 22 mai 2018

W.A.Wellman, « Track of the cat » « Beau Geste » et « The story of G.I.Joe »

Track of the cat (1954) de W.A.Wellman est un film curieux.

C’est une sorte de western décalé.
Un huis-clos sur une famille déchirée, en pleine tempête de neige dans un ranch perdu en pleine montagne. L’ambiance angoissante et malsaine où règne dehors la peur d’une sorte de panthère noire et dedans la division entre les 3 frères dont l’aîné est un rustre dominateur, la sœur vieille-fille, la mère tyrannique, le père alcoolique, la fiancée du plus jeune frère totalement dominé et un vieil indien silencieux.
Un théâtre un peu lent, intime, enfermé et qui repose beaucoup trop sur les dialogues. En contrepoint les scènes dans la montagne à la recherche du fauve sont plus silencieuses. Mais la musique est quasiment permanente comme elle était très souvent dans le cinéma hollywoodien de l’époque et là c’est franchement détestable.
Il y a dans ce film un travail spécifique sur la couleur. Wellman désirait faire un film en couleur mais sans couleur. Les seules teintes fortes du film sont la veste rouge de Curt (Robert Mitchum) et la chemise jaune de la fiancée (Diana Lynn). Les paysages de neige et de montagne sont en noir et blanc. D’ailleurs la photographie est très belle, en particulier par les cadrages très soignés.
Malgré des personnages très fouillés et un jeu d’acteurs qui m’a semblé très juste cette histoire ne m’a pas du tout, du tout, intéressé. Ah, oui, j’oubliais! Le DVD réédité de Track of the cat contient des bonus très intéressants sur W.A.Wellman.


Beau geste (1940)
Avec Gary Cooper en légionnaire, c’est un film que l’on peut ne pas voir. Film d’aventure qui commence comme un « Cluedo » à l’Agatha Christie et se finit dans un Sahara de pacotilles, il est bourré de stéréotypes. Les personnages sont convenus et l’intrigue capillotractée.
Cette époque se passionnait pour la Légion Etrangère « La Bandera » (1935) avec Jean Gabin, « Un de la légion » (1936) avec Fernandel, « Raphaël le tatoué » (1938) mais j’en ai rarement vu d’aussi mauvais que Beau geste. En dehors de belles photos en noir et blanc, il peut rester dans le tiroir des films oubliés.


Par contre l’incontournable The story of G.I.Joe sorti sous le nom Les forçats de la gloire mérite vraiment d’être vu ou revu. Tourné en Californie en 1945, donc loin des lieux, il s’agit d’un hommage aux combattants américains de la seconde guerre mondiale.

Le film est quasi documentaire. Il raconte l’histoire d’une compagnie de fantassins américains de leurs premiers combats, en Tunisie, jusqu’à Rome, en passant par la Sicile, la bataille de Salerne et surtout l’interminable hiver 1943 devant Monte Cassino.

 

 

À travers le regard d’un correspondant de guerre, Ernest Pyle, (Burgess Mérédith) on voit la vie quotidienne de ces hommes commandés par le capitaine Walter (Robert Mitchum).
Aucun lyrisme, aucun pathos, juste de la souffrance, de la fatigue, de la boue et des copains qui meurent.
On ne voit presque aucun corps. W.A.Wellman tourne ces scènes avec des ellipses où tout se comprend sans être vraiment vu. C’est d’ailleurs beaucoup dans les regards que cela se passe, beaucoup plus que dans les mots. Une scène en particulier est frappante. Il s’agit d’un mariage improvisé au milieu des ruines. (La mariée est d’ailleurs Dorothy Coonan, l’épouse de Wellman, déjà vu dans Wild boys of the road). Il s’agit donc d’un joli moment d’évasion et de paix au milieu de cette vie misérable. Mais le silence qui suit le départ des jeunes mariés en dit long, surtout dans le regard de ces soldats loin de leurs épouses ou amies, de leurs familles, de leurs enfants.

Ce n’est donc pas un film de guerre mais un film sur la guerre, aussi beau vu du côté américain que Quand passent les cigognes vu du côté soviétique. (Mikhaïl Kalatozov 1957). Pour Samuel Fuller The story of G.I.Joe est « le seul film adulte et authentique » produit par Hollywood pendant la seconde guerre mondiale.

Et en plus The story of G.I.Joe est visible sur Youtube, ici.

Caillou, le 7 mai 2018