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LA SALAMANDRE

Il était une fois, dans une grande maison au bord de l’océan, trois filles qui passaient des vacances heureuses, avec leurs parents. Elles faisaient beaucoup de bêtises. Juliette était courageuse, Emma était savante, Nahia était maline.
Un après-midi où tout le monde dormait en faisant la sieste, attendant qu’il fasse moins chaud pour aller sur la plage, elles jouaient dans le jardin. Nahia eut l’idée d’aller ouvrir la porte du cabanon, où les habitants de la maison rangeaient leurs outils de jardin.
Elles entrèrent donc toutes les trois dans l’ombre, un peu poussiéreuse. Derrière la vieille tondeuse à gazon, Juliette trouva une cage un peu rouillée et dedans un drôle d’animal, tout petit, tacheté de jaune et de noir, qui dormait profondément.
« Oh, regarde comme il est mignon… Qu’est-ce que c’est ?»
Emma répondit : « Avec ses petites pattes, je crois que c’est une salamandre… Elle dort, et pourtant nous avons fait beaucoup de bruit ! »
Juliette, inconsciente du danger, n’ayant jamais vu ni entendu parler des salamandres, ouvrit la porte de la cage et passant la main à l’intérieur, elle caressa tout doucement la tête de la petite bête.
« C’est un peu chaud ! »
Celle-ci ouvrit un œil, mais, n’ayant pas mangé depuis très longtemps, elle n’avait pas de forces et elle continua à somnoler.
« Viens, on va jouer dans l’herbe… Elle n’est pas drôle cette bestiole … » s’écria Nahia, et elles retournèrent à leurs rires, jouant à se cacher dans les hautes herbes tout au fond du jardin.
Mais Juliette avait oublié de refermer la porte de la cage…

Plus tard, quand leurs parents se réveillèrent, elles allèrent à la plage. Jouer dans le sable, creuser des tunnels, monter des tours de châteaux, ramasser des coquillages, à quelques pas des vagues si puissantes qui se fracassent avec des bruits énormes, c’était super ! Les petites filles ne pouvaient pas vraiment se baigner, mais il suffisait de rester quelques temps les pieds dans l’eau pour se retrouver toutes mouillées.
En fin d’après-midi, en rentrant à la maison et en remontant sur la dune, Emma remarqua dans le sable une piste toute fine, une trace toute en s, qui se dirigeait vers l’océan. Mais elle ne dit rien, ayant complètement oublié le petit animal de la cabane à outils.

« Il faudrait peut-être coucher les enfants, il doit être tard ? » Demanda la maman de Nahia. Regardant sa montre, la mère d’Emma répondit : « C’est incroyable ! Il est déjà 22 heures… »
« Et le soleil n’est pas couché ? » constata celle de Juliette.
Tous les adultes regardèrent le ciel. Il était encore tout clair et les quelques nuages qui tout doucement le traversaient étaient nimbés de rouge.
« Il devrait faire nuit depuis longtemps ! » Les grandes personnes étaient interloquées. Et brusquement l’un des papas s’écria : « Il faut aller voir ce qui se passe ! Allez les enfants on s’habille et on y va. »
Juliette, Nahia et Emma allèrent, sur les épaules des grands, bien emmitouflées dans leurs vestes polaires. Sur le chemin qui menait à la dune et à l’océan, ils rencontrèrent d’autres vacanciers qui se dirigeaient comme eux vers le coucher de soleil. Et arrivés là, au sommet de la dune, elles découvrirent une foule immense.
Toute la ville était là qui regardait le soleil à moitié enfoncé dans la mer, là-bas, au loin, sur la ligne d’horizon.

coucher de soleil salamandre

La grosse boule du soleil, devenue un peu ovale, était d’un très beau jaune, mais elle ne descendait plus.
Et les enfants virent bien que le soleil était mordu par une petite ombre, toute rouge et qui se débattait.
La maman de Nahia s’étonna :
« Mais c’est un serpent qui s’est emparé  du soleil et qui l’empêche d’aller se coucher ! »
Les fillettes étaient bien embêtées car elles avaient reconnu la salamandre.
Juliette se décida la première et elle se pencha vers l’oreille de sa maman pour lui murmurer : « Je crois que nous avons fait une grosse bêtise. Je n’ai pas refermé la cage… »
« Quelle cage ? » Les parents s’affolèrent…
« … dans la cabane au fond du jardin »
Un monsieur, assis à côte d’eux, dans le sable, avait allumé un transistor et tous les vacanciers écoutaient les informations.
D’un bout à l’autre du monde, le soleil était immobile. Il était suspendu au zénith à San-Francisco en Amérique. Il n’arrivait plus à se lever juste au-dessus de la mer de Chine. Et même en Iran les habitants se rendaient bien compte que la nuit ne bougeait plus …

Et puis le téléphone mobile d’un des adultes, un petit gros moustachu, se mit à sonner.
« C’est la  propriétaire de la maison, c’est Véronique, … Elle demande à parler aux enfants… »
C’est Emma, la plus savante qui pris le portable à l’oreille.
La dame lui demanda si elles n’auraient pas libéré l’animal dans la petite cage au fond du jardin.
La petite fille avait peur de se faire gronder mais elle lui répondit qu’effectivement…
« Alors, retournez tout de suite à la maison… »
Et tout le monde se mit à courir.

Les trois fillettes foncèrent dans le jardin.
Elles s’agenouillèrent devant la cage vide et firent comme l’avait demandé Véronique.
Nahia prit la clef et la fit glisser  sur les barreaux : « Didididididiging, Didididididigingn Didididididiging »
puis elle la donna à Juliette: « Didididididiging, Didididididigingn Didididididiging »
et Emma fit de même à sa suite « Didididididiging, Didididididigingn Didididididiging »

Puis on alla se coucher, et le lendemain, le soleil était revenu au même endroit (il avait dû courir pour rattraper le temps perdu), et la salamandre dormait tranquillement dans la cage, avec encore un petit morceau de soleil rouge entre les dents.

Et mon histoire, elle est finie.

Caillou, 29 septembre 2012.

​Derrière la fenêtre

Vers 16 heures, tu es rentré dans la chambre. Avec le store baissé, celle-ci était un peu dans la pénombre. Marie était seule et semblait dormir. Heureusement qu’elle était disponible cette chambre pour personne seule, à cet étage de l’hôpital. Marie était allongée sur le dos, soulevant à peine les draps, avec les bras bien allongés, le long du corps. Et avec tous ces tuyaux qui la maintenaient en vie.

Entends le bruit sourd des machines
Qui pompent qui surveillent et qui trient
Le goutte-à-goutte d’une perfusion
Le temps qui passe et qui s’enfuit.

Elle ne parlait plus depuis déjà plusieurs heures. En augmentant les doses d’antalgique, le chef de service avait choisi : « plus de douleur mais peut-être plus de conscience non plus. ». Vous étiez d’accord. Marie avait sombré dans un sommeil tout d’abord agité puis de plus en plus calme. Elle n’en sortait plus que pour de courts instants où son regard suivait encore ceux qui étaient, peut-être, pour elle devenus des ombres. Mais elle ne parlait plus. L’infirmière t’a laissé seul en disant : mais, parlez lui. Elle comprend le son de la voix, la musique, la tendresse des intonations même si le sens des mots lui échappent certainement. Vous entendre lui fait du bien.

Alors je parle pour ne rien dire
Je donne des nouvelles des amis
Mais sans réponse, tout tombe à plat
Je ne sais plus quoi dire aujourd’hui

Ses yeux s’ouvraient, elle cherchait du regard et c’est ta voix qui la guidait. Tu t’es penché sur son visage, sentant de tout près son haleine et tu as plongé, une dernière fois peut-être, dans son regard. Tu étais juste là au-dessus d’elle. Et tes mots n’avaient plus aucune importance. Tu caressais sa main tout doucement. Marie ne réagissait plus que par son regard

Je me lève, ton regard me suit.
Je parle pour toi, questions-réponses.
Je te raconte des conneries.
Que veux-tu dire ? Je t’aime aussi ?

Et puis, elle a refermé les yeux. Elle semblait partie déjà très loin dans cette course dont tu connaissais l’issue. Il y eut un long silence, et tu t’es levé pour aller vers la fenêtre. Le store n’en était pas complètement baissé et tu t’es penché pour voir le paysage depuis ce dernier étage de l’hôpital Larrey. On y voit tout le sud de la ville, jusqu’aux collines de Fonsegrive, la vallée de l’Hers et Montaudran.

Quand il pleut derrière la fenêtre,
Comme un linceul de draps mouillés
Dont les plis vibrent d’eau vivante,
Tu poses ton front, le verre est froid.

Cette ville, où vous aviez vécu ensemble toutes ces années de découverte, et qu’elle allait laisser. La vie trépidante, les bagnoles repartant au feu, les avions qui striaient le ciel, les gens courant sur les trottoirs mouillés, tous ces petits bouts d’individualité dans une géante fourmilière grouillante de vie et Marie, derrière la fenêtre, centrée sur sa douleur, acceptant peut-être de partir. Et tu te souviendras longtemps de ce contraste entre la douleur, ton angoisse, le calme de cette chambre d’hôpital, cette fin imminente et la visible continuité du monde. Entre les deux, juste une fenêtre…


Caillou, 25 septembre 2012

Prostitution, toujours…

Université d’été d’ATTAC.- Toulouse
26 Août 2012 – Atelier Prostitution et Mondialisation. 

Présenté par Sandra et Huayra pour la Commission genre d’Attac et Judith Trinquart, médecin

L’organisation de la prostitution à l’échelle mondiale
La commission genre d’ATTAC a travaillé sur la question de la prostitution depuis un certain temps et a publié un livre intitulé « Mondialisation de la prostitution, atteinte globale à la dignité humaine » en 2008.
Pourquoi revenir encore sur cette question en 2012 ?

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Prostitution, encore…

Toulouse – Université d’été d’ATTAC.
26 Août 2012 – Atelier Prostitution et Mondialisation.

Présenté par Sandra et Huayra pour la Commission genre d’Attac et Judith Trinquart, médecin.

Le vocabulaire porteur d’une idéologie
Au delà de la traite, je vais parler de l’acte prostitutionnel lui même, en tant que tel.
Je vais décrypter les discours et les idéologies qui sont derrière et qui se développent et qui masquent bien souvent les réalités du vécu des personnes prostituées. Continuer la lecture de Prostitution, encore…

La violence de la prostitution, impact sur le corps des femmes

Université d’été d’ATTAC.
Toulouse le 26 Août 2012
Atelier Prostitution et Mondialisation 

Présenté par Sandra et Huayra pour la Commission genre d’Attac et Judith Trinquart, médecin
La violence de la prostitution, impact sur le corps des femmes
La prostitution ce n’est certes pas de la sexualité. Cest de la marchandisation des corps et c’est de la violence sexuelle. La violence initiale fondamentale de la prostitution c’est l’acte sexuel non désiré, à répétition, subi par la personne prostituée, quelque soit le type de prostitution, que ce soit de rue, de l’escorting, dit « prostitution glamour », du salon de massage. Et pour se protéger de ces actes sexuels qu’elles ne désirent pas, les personnes prostituées vont développer une forme de défense qui est au départ une défense physique et psychique involontaire que j’ai appelée la décorporalisation.

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La laïcité bafouée

Le monument aux morts de Langogne, en Lozère, est franchement bizarre.

Il date de 1921. (La loi sur la laïcité date de 1905!)

Le héros principal n’en est pas ce pauvre soldat qui meurt, mains jointes, mais surtout l’ange casqué à l’auréole christique qui lui indique la voie du paradis auquel le destine son sacrifice. Jamais on a indiqué aussi nettement que ceux qui sont morts pour la patrie, pendant la Grande Guerre, l’ont été aussi pour l’Église, et tant pis si, parmi eux, il y avait des arabes, des juifs, des boudhistes, des agnostiques ou des athées. Et tant pis pour les enfants du mort, pour son épouse, pour sa famille. Le chemin du paradis ne leur est pas acquis.

Ce monument est l’œuvre d’un sculpteur surtout connu pour ses idées d’extrême-droite antidreyfusard (donc antisémite), monarchiste, pétainiste et ultra catholique: Maxime Réal del Sarte.

Lire ici: http://fr.wikipedia.org/wiki/Maxime_Real_del_Sarte

Ailleurs, dans d’autres communes, ici à Aubrac, on peut voir des monuments aux morts plus sobres et plus sympathiques.

Pour tout ce qu’il signifie, il faut détruire le monument aux morts de Langogne. Mais ne nous leurrons pas, la laïcité est un combat permanent.
Et elle n’est pas seulement faite pour désigner les musulmans à la vindicte populaire.

Caillou, le 18 août 2012

 

C’est « la bonne mère » qui a tout fait!

Fin avril 2012. Marseille. Notre Dame de la Garde. La basilique domine toute la ville.

Après la longue montée des marches on trouve un belvédère, juste devant l’édifice. Il y a ce jour là beaucoup de monde, des touristes mais aussi de nombreux  Marseillais, venus en famille. Il fait très beau et, vue d’ici, la ville est absolument magnifique.

Sur un pilier, dans l’entrée à droite, cette plaque commémorative:

Le 25 août 1944, fête de Saint Louis, roi de France, et les jours suivants, Notre Dame de la Garde a manifestement préservé de la destruction sa basilique et délivré la ville et tout le territoire. C’est elle qui a tout fait, a déclaré le général de Montsabert, qui commandait la vaillante armée de la 3ème DIA. Souvenir reconnaissant de Marseille et de la Provence

Ainsi donc les 1500 tués de la 3ème DIA, pour beaucoup des tirailleurs algériens ou des tabors marocains, dont beaucoup étaient vraisemblablement musulmans, ne sont pour rien dans la libération de Marseille. Ce ne sont pas non plus les 120 morts F.F.I, des résistants, dont certains étaient vraisemblablement communistes ou athées! Ni non plus les résistants exécutés sommairement. Pas plus que toutes les pertes civiles. … Ce n’est pas l’armée d’Afrique, ses « indigènes », ses pieds-noirs, ses « Français libres » de de Gaulle (et ses Merlinettes), ni les Américains, ni les Anglais qui ont permis la libération de la ville…

C’est « la bonne mère » qui a tout fait!

J’espère vraiment que la pluie et le vent finiront par rendre cette plaque illisible. Elle fait honte à l’Histoire. Mais c’est souvent le cas avec les religions (toutes les religions) qui abrutissent les croyants… et désespèrent les autres.

On peut lire, sur la libération de Marseille:
www.veterans.fr/1939-1945/liberation_de_Marseille.pdf
ainsi que l’excellent:
http://www.marseille-images.net/p-liberation.html
Dont je retiens d’ailleurs cette magnifique conclusion:

Comment ne pas être sensible à ce choc de l’histoire, Marseille la porte de l’Orient ! défendue et reprise aux nazis par des Arabes, Algériens et Marocains ? Si votre voisin trouve qu’à Marseille « il y a trop d’Arabes », rappelez-lui simplement qu’en cette fin d’été 1944, ce sont eux qui étaient à l’œuvre, qu’on ne pensait pas alors qu’ils fussent trop nombreux dans la bataille pour libérer la ville, et que leurs descendants peuvent à bon droit s’y sentir chez eux.

  Caillou, le 15 juillet 2012

Alger, le retour, un bilan subjectif.

Marc écrit

J’ai aimé sincèrement l’Algérie et surtout les Algériens, hommes et femmes, que j’y ai rencontrés. La gentillesse immédiate, la curiosité, l’absence de ressentiment contre l’ancien colonisateur français, et au contraire le sentiment d’être avec des cousins, éloignés dans l’espace, mais qui partagent encore beaucoup de références communes, tout cela m’a profondément marqué. Je retournerai dans ce pays, dans le pays de ma mère.
Rapidement.
Mais je me pose des questions… Continuer la lecture de Alger, le retour, un bilan subjectif.

Alger. 15 avril 2012.

C’est notre dernier jour à Alger.

Et il nous reste plein de choses à voir, de gens à rencontrer, d’achats à faire… Nous repartons d’Hussein Dey pour Alger par le métro et allons dans un premier temps au Centre Culturel français où Aquilina aimerait voir le responsable du festival de la bande dessinée d’Alger. Pendant qu’elle essaie de le rencontrer je m’en vais visiter la bibliothèque où je trouve beaucoup de livres sur la période coloniale, dont certains difficilement trouvables en France. Les espagnols dans l’Algérois, 1830-1914, de Crespo et Jordi ou Alger 1951, un pays dans l’attente, d’Étienne Sved. Beaucoup d’étudiants studieux y travaillent. Dehors, après l’orage de grêle de ce matin, le ciel est lavé, d’un bleu profond. Continuer la lecture de Alger. 15 avril 2012.