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Et la paix qui revient…

(Pour faire suite à https://www.cailloutendre.fr/2009/02/francois-faure/

Je suis seule chez moi…avec toi.
Les amis argentins étaient là à midi. De partout arrivent des mots tendres, des mots qui voudraient apaiser la douleur. Elle est encore là, tapie dans un coin de mon âme, qui titille mon corps et lui fait verser des larmes comme ça…au moment où je m’y attends le moins : une musique écoutée autrefois avec toi, une batucada endiablée qui me projette dans le passé, dans les marches qui criaient nos soifs de liberté. Tu aimais ça mon amour. Tu t’éclatais, heureux de voir des centaines de femmes et d’hommes enthousiastes qui marchaient dans les rues en chantant. Je te vois encore debout sur une borne de péage, banderole déployée, pendant que les automobilistes donnaient aux chômeurs la somme due aux patrons d’autoroutes… et notre course vers les voitures à l’arrivée des flics…et les billets et les pièces de monnaie, comptés et recomptés dans des éclats de rire…et le voyage à Paris…train gratuit pour la majorité…et la chanson de Marc : «Il faut changer le monde, il est devenu fou ! »…et l’arrivée en gare d’Austerlitz, une rangée de CRS nous escortant jusqu’à la Place de la République pendant que l’on criait : « Police partout, Justice nulle part… » Ton regard brillait de cette jubilation commune qui nous faisait croire qu’on allait finir par gagner, qu’il n’y aurait plus de misère, seulement la solidarité et l’égalité…noirs, blancs bronzés tous mélangés…

Je suis allée sur ta tombe. Je t’ai parlé. Je t’ai raconté ce qui se passait de l’autre côté de l’océan , cette révolte justifiée, tous ces gens dans la rue réclamant avant tout qu’on leur rende la dignité qu’on leur a extorquée depuis des centaines d’années.. Je t’ai dit qu’ils manifestaient depuis plusieurs semaines et que la télé vient juste d’en parler, essayant de nous persuader que ces émeutes étaient le fait de quelques bandes qui voulaient tout casser….

Je t’ai demandé si ça allait. J’avais tellement peur que tu aies froid, seul sous ce monticule de terre où les fleurs commençaient à faner. Le lendemain, mon petit frère m’a téléphoné. Au bout du fil, il m ‘a dit : « mais tu ne sais pas que la terre est chaude comme le ventre d’une mère ? » Ca m’a rassurée.

Sais-tu que je porte tes pulls, le marron, le gris, le beige. Et ton poncho qui conserve encore un reste de l’odeur de ton corps. Alors, je m’enveloppe dans sa douce chaleur. Et j’écoute du Mozart, le visage enfoui dans le lainage multicolore. J’essuie mes larmes. Je pense à tes paroles : « je serai toujours avec toi. Tu dois continuer à vivre ! » Ca me réconforte. Je me lève et j’écris. Et la paix revient doucement, lentement, discrètement….

(C’est de Gaby…)

Caillou, 22 février 2009

Disparaître en Indochine – 11

Chapitre 11

Augustin Chavez se taisait, il avait allumé sa cigarette, les yeux dans le vague, face à la mer. Au loin, un grand bateau disparaissait dans la lumière rouge du couchant.
– Écoutez-moi bien jeune homme. Moi je vous comprends, vous cherchez votre oncle disparu, je veux bien répondre à toutes vos questions, mais il y a quand même un problème. Bien que tout ce que je vous raconte soit de l’histoire ancienne, vous remarquerez que je ne vous ai donné aucun nom. Oui il y a prescription, mais il vous faut bien comprendre que d’une certaine façon nous trahissions. Nous aidions l’ennemi. La France c’est mon pays d’adoption, elle n’a pas vraiment voulu de moi, je m’y suis réfugié sans avoir pour elle la moindre amitié. Nous avions même du mépris pour ce pays, ce pays des droits de l’homme, qui nous avait abandonnés en 1936, mais la France est devenue mon pays, quand même. Nous soutenions un idéal de libération des peuples colonisés, mais aux yeux de la police nous étions des traîtres. Nous étions passibles de la cour de sûreté de l’État. Quand je vois tout ce qu’ils ont essayé de faire à cet universitaire parisien qui, dans sa jeunesse, avait été dans les maquis vietnamiens, je me dis que les plaies, dans l’armée française, ne sont toujours pas refermées. Continuer la lecture de Disparaître en Indochine – 11

Les nostalgies militantes

paysage

Le Larzac

croix

La croix de la Blaquière

maison

Une maison de la Blaquière

bergerie

La bergerie de la Blaquière

mur

Les murs de la bergerie

debre

L’entonnoir de Michel Debré

joc

Les jeunes chrétiens

servir

Les maoistes

mcaa

Les pacifistes

noe

Les occitanistes

lip

Les syndicalistes de LIP

canard

Le Canard

La Bergerie de la Blaquière est le symbole du combat contre l’extension du camp militaire.
Édifiée illégalement en 1973, avec le soutien manuel ou financier de milliers d’opposants à l’armée, on peut encore y voir les messages de soutien de tous les horizons.

Caillou, 12 février 2009

François Faure

François.

Tu ne haussais jamais la voix pour affirmer tes choix car tu n’en avais pas besoin. Nous t’écoutions !
Dans le mouvement des chômeurs des années 95 à 97, nous t’écoutions, dans toutes ces réunions où nous nous préparions pour les tempêtes de la rue, nous t’écoutions faire la synthèse, prenant en compte tout ce qui avait été dit, respectueux de la parole de chacun, mais donnant de l’ordre et de l’efficacité à nos colères disparates. Chômeurs ou salariés, femmes, jeunes, syndicalistes, immigrés, intégrés, fonctionnaires, exclus, sans toits, sans droits, mais toutes et tous militants pour abolir le chômage et la misère, nous avions un porte-parole, et, François, c’était toi.
Porte-parole par-dessus les coups de gueules et les cris de colère, tu avais cette parole calme et claire qui disait tranquillement ce que nous avions tous ensemble décidé de dire, décidé de faire. Tu étais au-dessus des divisions, au-dessus des affrontements inévitables entre les cultures militantes des uns et les révoltes immédiates des autres, mais, au centre, ta détermination était l’évidence. D’ailleurs tu ne donnais presque jamais ton point de vue. Tu prenais la parole, pour nous tous, sans jamais perdre ton calme et ton sens de l’humour. Car, François, parfois, tu nous faisais bien rire. Mais c’était de cet humour anglais, pince sans rire, qui voyait les travers et les comiques des uns et des autres mais qui ne se moquait jamais. Et alors seul ton regard montrait que c’était de la rigolade.
Je crois que tu as été le meilleur de AC ! Agir ensemble contre le chômage comme tu avais, pendant des années, été le meilleur du syndicalisme CFDT des salariées du commerce.
Comme tu ne parlais pas beaucoup de toi, peu d’entre nous connaissaient bien ta vie. Qui savait quel avait été ton chemin ? Au milieu des tous ces gauchistes et bouffeurs de curé, qui savait que tu avais choisi de consacrer ta vie de chrétien aux plus pauvres, ces peuples méprisés, ici et ailleurs, qui, luttent pour un Christ Libérateur ? D’autres en parleront mieux que moi, de ces choix d’engagements qui ont été les tiens, mais nous sommes ici beaucoup, à savoir que tu leur as été fidèle, jusqu’au bout !
Et puis tu es parti, doucement, sur la pointe des pieds et sans trop vouloir dire à tous que tu étais malade, et que c’était très grave. Et nous sommes allés sans toi jusqu’à Amsterdam ! Et nous avons gagné la gratuité régionale des transports… Et puis la politique et les divisions ont repris leur place et « Agir ensemble contre le chômage » à finalement… disparu.
Toi, pendant toutes ces années tu as continué à te battre contre la maladie qui te rongeait.
François, où que tu sois maintenant, si tu es quelque part, nous voulons te dire que tout ce que nous a apporté est en vie, que, même si tout est toujours à refaire, les combats où nous étions ensemble ont été utiles, pour la dignité, le respect et la liberté des plus démunis et que ton sourire va nous manquer pour les combats futurs.
Alors, au nom de toutes celles et tous ceux avec qui tu t’es battu dans les luttes syndicales et associatives, je veux saluer ta famille et tes compagnons les plus proches. Nous sommes à vos côtés dans la peine. Gaby, Claire, Sabine et Jean, vous pouvez compter sur nous.
Et puis, François, au risque de te faire sourire, je veux te dire une dernière fois : adieu… camarade !

Caillou, 7 février 2009

Disparaître en Indochine – 10°

Chapitre 10

– Monsieur Chavez ?
Le jeune homme qui venait d’ouvrir la porte en ferraille de l’atelier lui répondit, après un temps d’hésitation :
– Oui, mais lequel.
Thierry lui tendit la main et lui sourit.
– Bonjour. Je voudrais parler à Augustin Chavez.
Le jeune en bleu de travail maculé de graisse ouvrit largement le battant de la porte du hangar et la poussa dans la rainure. Cela fit un bruit aigre de métal vibrant puis elle alla cogner sur l’autre portant. Continuer la lecture de Disparaître en Indochine – 10°

Disparaître en Indochine – 9

Chapitre 9

Il attendit une heure raisonnable en se promenant sur les quais de la Seine. Une belle fin d’après-midi sur Paris. Les deux tours de Notre Dame se réfléchissaient dans ce bras étroit du fleuve coincé entre le quartier latin et l’île de la cité. La circulation ininterrompue des voitures faisait un tel vacarme qu’il se dit qu’il lui valait mieux trouver une cabine téléphonique dans un endroit plus calme. Il remonta le boulevard Saint-Michel et, finalement, se résolut à revenir à son hôtel de la rue Monsieur le Prince. Continuer la lecture de Disparaître en Indochine – 9

Disparaître en Indochine – 8

Chapitre 8

Le lendemain matin dans un petit hôtel de la rue Monsieur le Prince, Thierry tartinait d’une excellente confiture de mûres une fine tranche de baguette parisienne craquante et dorée. Le café était délicieux. La journée s’annonçait belle et tout en prenant cet excellent petit déjeuner il réfléchissait  à ce qu’il pouvait bien faire maintenant. Comment sauver son héritage ? M. Wang ne s’était pas trompé en reconnaissant Adrien sur la photo de 1939 ! Son oncle était à Haiphong en 46 ! Qu’était-il devenu ? Il n’y avait plus qu’une toute petite piste, celle de ce commissaire qui, en 1948, recherchait peut-être Adrien sous un autre nom, sous une autre identité, celle d’un certain Jérôme. Que lui voulait-il ? Marché noir ? Banditisme ? Continuer la lecture de Disparaître en Indochine – 8

Le courage d’une femme

– Il a été expulsé début janvier.
Elle est là, de l’autre côté de cette petite table de bistrot, nos deux cafés, mon bloc. Elle ne cherche pas ses mots car elle les a déjà beaucoup donnés. Elle sait ce qu’elle veut me dire et me regarde, droit dans les yeux. Ce qu’elle a me raconter, son histoire, c’est sa seule richesse, maintenant que tout s’est effondré. C’est plutôt moi qui cherche mes mots, hésite à poser mes questions. Elle, elle n’a plus rien à perdre !
– Mon copain est arrivé en France, à Marseille, à l’âge de 14 ans, au début des années 80. Il est venu tout seul. Comme il était mineur, errant dans les rues, il a été recueilli par une association, il a fait un peu d’apprentissage puis il est monté à Paris. Dans les années 90 il est venu s’installer à Toulouse, il a rencontré une Française, ils ont eu deux enfants … Un garçon qui a maintenant 7 ans, et une fille de 5 ans, tous les deux scolarisés, à Muret.
– Ils ne s’étaient pas mariés ?
– Non. Je ne savais pas pourquoi ils ne s’étaient pas mariés mais il m’a toujours dit qu’elle ne voulait pas. Et puis j’ai su qu’elle avait fait une demande de mère isolée à la CAF… Plus tard elle a épousé un étranger en mariage blanc contre de l’argent. Enfin, ils n’étaient plus ensemble… Il m’a rencontré, a emménagé chez moi. Depuis il voyait ses enfants toutes les fins de semaine, il les habillait. Nous vivions ensemble. D’ailleurs je suis très lié avec ses enfants.
Mais il a toujours été sans-papiers… Il devait faire un dossier de régularisation. Je voulais l’aider. Il faut dire qu’il ne sait ni lire ni écrire… Ce qui ne l’empêchait pas de travailler, beaucoup pour des artisans du quartier Arnaud Bernard, des restaurants, des pâtissiers. Il gagnait donc sa vie sans pouvoir justifier de ses salaires. La mère des enfants lui faisait du chantage au fric en permanence… Mais je vous assure qu’il s’en occupait bien, de ses enfants !
– Donc vous viviez ensemble. Vous faites quoi dans la vie ?
– Je suis éducatrice. On a plein de preuves qu’il vivait avec moi, des attestations, des photos, mais le tribunal administratif n’en a pas tenu compte, ils ont jugé qu’il s’agissait d’une relation inventée !
– Comment cela est-il arrivé ?
– Il s’est fait prendre lors d’un contrôle routier. Vérification d’identité puis directement envoyé au centre de rétention de Cornebarrieu. C’était le 17 décembre. Cela n’a pas traîné, il a été expulsé le 3 janvier. La légalité de son expulsion a été jugée le 27 décembre au tribunal administratif, sans qu’il soit même présent ! Et l’avocat a plaidé sans avoir été le rencontrer au centre de rétention ! Juste entre Noël et Nouvel an.
J’ai tout essayé pour les empêcher, les retarder, rien à faire. Pendant toute cette histoire nous avons été soutenu par une association du quartier Arnaud Bernard, le collectif « 17 » et la « case de santé ». Pétitions, tracts, réunions, collecte, radios locales, une banderole a même été accrochée sur la place. Rien n’y a fait. Toute cette publicité n’a servi à rien. Il y a eu des pétitions de mes collègues de travail, du Réseau Education sans Frontières, des commerçants d’Arnaud Bernard, des promesses d’embauches : rien. La mère des enfants se casse le tibia, elle est immobilisée. Des certificats montre que la présence du père est obligatoire : rien. Je prouve qu’il vit avec moi, chez moi, qu’il a donc une adresse, des garanties de représentations : rien. Les magistrats ne se sont basés que sur la « garde-à-vue ».
– Mais avec 2 enfants nés en France et scolarisés, vivant en concubinage, travaillant, pourquoi cet acharnement ?
– Il faut dire qu’il a fait des conneries à Paris. Une petite escroquerie à la carte bancaire. Moi on m’a dit que cette condamnation, précédant les naissances de ses enfants, annulait la prise en compte du bien être des gosses. De toute façon je n’ai rien compris. Il a fallu que je paye l’avocat que la mère avait désigné, sans aller à aucun rendez-vous. On ne m’a rien expliqué. En tant que compagne, je n’avais aucun droit.
– Vous avez pu aller le voir quand même ?
– Oui. J’ai été le voir tous les jours. La première fois, j’avais apporté des vêtements, mais comme il était 18h c’était trop tard, je n’ai pas pu le voir et ils n’ont pas accepté que je laisse le paquet de linge. Le lendemain, le gardien a refusé que je le visite parce que, d’après son propre règlement, comme il y avait eu des problèmes avec les détenus, les visites étaient suspendues. Le 31 décembre, j’ai attendu, dehors, dans le froid sous prétexte qu’il y avait déjà trop de visiteurs, alors qu’en fait, il n’y avait personne. Toutes les fois c’était des humiliations. Des problèmes avec les caméras, des ouvertures de portes à coup de pied. Ils ont fait retirer la ceinture du petit, de 7 ans, sous prétexte que cela faisait sonner le portique de sécurité. Vous imaginez le gamin ? Tout cela pour pouvoir voir son père quelques minutes. À chaque visite des attentes interminables, des vexations, surtout le week-end. Par exemple le Centre de rétention exige les passeports des enfants, les garde, puis à la visite suivante les redemande, alors qu’ils sont dans le tiroir et que c’est les mêmes flics et qu’ils nous connaissent parfaitement. D’ailleurs ils ont perdu le passeport du petit et cela m’a empêchée de l’emmener avec moi et sa sœur quand quelques mois plus tard j’ai été voir son père en Algérie.
Pendant sa détention, il a énormément maigri. À Cornebarrieu, la nourriture est immonde. Ils vivent à deux dans des chambres, ouvertes en permanence sur un petit couloir… et ils n’ont rien à faire, pas de livre, juste une télévision, dans une salle et comme elle est gérée par les gardiens c’est la « star-académy » avec le son à fond ! Donc ils traînent à une quinzaine et dorment énormément. De toute façon ils demandent presque tous des somnifères. C’est l’angoisse et la déprime totales. Ils parlent peu entre eux. Il y a des drames terribles. Une femme, raflée, est arrivée au centre pieds nus, avec deux enfants. Elle a pété les plombs et agressé un gardien. Du coup elle a été internée et les enfants ont été placés…
Pour aller le visiter il y a juste 2 bus, qui sont très loin, et ce n’est pas sûr qu’on pourra entrer. Il faut imaginer toutes ces caméras, le bruit des avions toutes les 10 minutes qui décollent ou se posent sur les pistes de Blagnac. C’est l’horreur !
Il a été expulsé par bateau, de Marseille. La veille j’ai pu aller le voir une dernière fois, mais comme j’étais avec 2 copains, les flics ont refusé qu’il ait deux visites séparées et je n’ai pas pu rester seule avec lui, pas un moment d’intimité, alors que le lendemain, il partait pour un pays dont il ne connaît pratiquement rien, dont il ne partage plus la culture. Il ne parle même pas l’Arabe ! J’ai juste pu lui passer un peu de fric.
Donc maintenant il vit, si l’on peut appeler cela vivre, sans aucun boulot possible, hébergé par son frère, dans une baraque d’un bidonville de la banlieue d’Alger. Quand il peut aider son frère, il gagne 6 euros par jour et ne peut donc plus rien faire pour ses gosses !
J’ai essayé de construire un dossier d’abrogation de « l’interdiction à vie » d’entrée sur le territoire, dont il est l’objet. Mais c’est un parcours administratif effroyablement compliqué. Par exemple un extrait de casier judiciaire pour un étranger, cela ne peut pas se demander par Internet ?
J’ai été à Alger pendant les vacances scolaires en emmenant sa fille. Nous y sommes restés 10 jours. J’ai découvert là-bas que nous n’avions ni lui ni moi notre place en Algérie. C’est un pays stressant avec une religion trop pesante. Nous n’avons pas les mêmes codes. Par exemple sa famille, devant ce drame, dit que c’est « la volonté de Dieu » ! Il n’y a aucune intimité dans une famille algérienne. Dès que j’ai parlé de mariage, pour qu’il puisse revenir en France, toute sa famille s’est mise à parler de ma conversion à l’Islam, comme si c’était cela l’important. Nous avons été une fois à l’hôtel mais en prenant 2 chambres, car nous n’étions pas mariés, et ils venaient vérifier que je dormais bien dans celle de sa fille !
J’ai essayé le mariage, il faut remplir un dossier administratif de 4 pages et passer un entretien pour le « certificat de capacité à mariage ». C’est une mesure de Sarkozy, récente. Mon dossier est prêt. J’espère que cela va réussir. Mais construire un tel dossier avec la Méditerranée au milieu c’est mission impossible ! C’est du ping-pong avec les administrations pour réunir les documents, pour remettre le dossier au consulat, pour obtenir des rendez-vous, c’est des heures de téléphone, de fax, de mails, et il faut savoir que le téléphone est très cher en Algérie ! Et puis, mon copain ne sait ni lire ni écrire.

On s’est regardé, longuement. Dans cette pâtisserie cafétéria, derrière la médiathêque de Toulouse où nous venions de passer une heure, au milieu des bruits des consommateurs pressés, elle venait de me dire que l’injustice du monde l’avait touchée mais qu’elle était toujours debout, amoureuse, fragile peut-être, mais tout entière refermée sur son courage, comme une main qui se referme en poing ! Elle ne cèderait pas. J’espère qu’elle et lui finiront par gagner le droit de vivre ensemble. En tout cas, pour son courage, chapeau !

Caillou, 22 septembre 2008