Archives de catégorie : Photographie et Dessin

La poblacion la Victoria à Santiago du Chili

Un bouquet d’œillets rouges accroché à une porte du palais de la Moneda, au Chili.SONY DSC   SONY DSC
et une statue de l’ancien président, Salvador Allende, assassiné le 11 septembre 1973.SONY DSC                 DSC01329C’est de l’histoire ancienne?
Il faut oublier la dictature militaire qui a écrasé le Chili de 1973 à 1988 ?

Continuer la lecture de La poblacion la Victoria à Santiago du Chili

La mer était vide

Ce matin  François s’est levé de mauvais poil. Une sale nuit à cauchemarder sans pouvoir se souvenir de son rêve. Une mauvaise nuit comme on fait parfois quand la lune est pleine et qu’on s’est couché tard. Mais qu’est-ce qui peut bien me perturber la tête? Se demande t-il en touillant le sucre dans la tasse de café. D’accord c’est l’hiver, et il fait un vent de tous les diables sur les coteaux, d’accord il a plein de trucs à faire qu’il n’a nulle envie de faire. Mais sinon, tout va bien. Pas de raison de se tourner et de se retourner ainsi dans ses draps pendant des heures. Pourquoi ne retrouve t-il pas ce qui l’a ainsi fait cauchemarder. Juste peut-être une image? Un vague souvenir d’un ponton qui ne mène nulle part? Le café n’est même pas bon ce matin. Rien ne va! Et dire qu’il faut descendre en ville, se laver, se vêtir, bref se secouer pour sortir de cet état bizarre et dérangeant. Continuer la lecture de La mer était vide

Juste un instant entre l’café et l’addition

Chartier 3

C’est juste le moment de la fin du repas
quand il fait froid dehors
que je ne connais pas le reste du programme.
Qu’allons nous faire après ?

Chartier1

Un moment de répit dans une course folle.
Qu’on savoure en silence
début de somnolence
avant de se lever.

Chartier 2

Autour de nous les gens vont partir au travail
ne parlent que de ça, ne goûtent pas les plats
Ils ont mangé très vite, attendent l’addition
nous irons rêvasser dans les expositions.

Chartier 5

C’est un instant si beau
un peu court mais très fort, où je me perds un peu
puis je me me ressaisis
avant de repartir.

Chartier 4

Il n’est pas de sauveur suprême
même si, des fois, je voudrais bien!
Mais il ne reste que la haine
pour tous ces chiens qui nous gouvernent…

Caillou, 1er décembre 2010

Bouillon ChartierCe restaurant, le Bouillon Chartier, au début de la rue du Faubourg Monmartre, à Paris, est incontournable. Par son menu, peut-être, mais surtout par son cadre.
C’est une plongée dans l’Histoire.
À midi il faut y être de bonne heure et avoir de la patience…

la passerelle… suite.

Vient de sortir un livre. De Robert Bober: On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux. Un article (élogieux) dans le Monde du 2 septembre. Et une photo qui me saute aux yeux:

tournage-jules-et-jim

Je cours acheter ce bouquin…

J’y trouve des lieux. Des lieux de tournage du film de Truffaut, Jules et Jim. Un texte magnifique pour ceux qui connaissent un peu le Paris des années 60 et qui en ont de la nostalgie… Mais toujours pas d’indication sur cette passerelle qui me hante…

J’ai écrit une nouvelle (https://www.cailloutendre.fr/2008/01/la-passerelle/) sur ce lieu. J’ai cherché depuis trois ans cette passerelle dans tous les livres que j’ai pu lire sur Jules et Jim ou sur François Truffaut. J’y ai trouvé le moulin, la maison, le quai, le chalet en Alsace, bref tous les lieux de ce film mythique… Mais pas la passerelle où Jeanne Moreau, déguisée en garçon, court devant les garçons et éclate de rire.julesetjim

Et pourtant je suis sûr que je la connais cette passerelle ! Cela remonte au temps où j’habitais Vitry avec Maria, Claudie et Jean-Mi. En 1973. Je travaillais alors rue de Toul, dans le douzième et je passais par cet endroit, en vélo, pour traverser les voies de la gare de Lyon.

charenton-1

J’étais tellement certain que c’était sur ce chemin que j’y suis retourné, en janvier 2008. J’ai cherché, du côté de Charenton. La passerelle de Valmy. Toujours aussi longue, mais rénovée à un tel point que je ne la reconnaissais pas. Les passants rencontrés, à qui je demandais s’ils se souvenaient d’une ancienne passerelle, fermée, avec des grilles plus hautes, m’avouaient ne pas avoir connu d’autre passerelle que celle-ci mais depuis combien de temps habitaient-ils ce quartier ?

Alors je suis reparti en chasse et j’ai fini par trouver! Une vieille photo… Sur internet…

la passerelle de Valmy

… tout en haut d’une page d’un bulletin de la ville de Charenton-le-Pont.

bulletin-charenton

Quelques coups de téléphone plus tard et je suis renseigné par une dame charmante qui s’occupe du Service des Archives de la ville. Elle me confirme que c’est bien la passerelle de Jules et Jim. Elle me raconte d’ailleurs que c’est aussi à cet endroit que Melville a tourné une scène du Samouraï avec Alain Delon.

Voilà, pendant qu’une grande partie de la France est dans la rue pour réclamer l’abandon de ce projet inique sur les retraites, pendant que le comité de quartier de St.Michel, à Toulouse, continue à réclamer le classement de sa prison en “Monument Historique”, moi je trouve enfin la solution d’une quête un peu absurde…

J’ai renoué les liens entre Vitry, Jules et Jim, mon parcours en bicyclette, Catherine, (cette femme libre qui ne choisit pas entre ces deux hommes) et mes trous de mémoire: “j’ai la mémoire qui flanche, j’me souviens plus très bien”.

D’ailleurs, par dessus les voies ferrées, le soleil perçait les nuages. Il me faisait signe. M’indiquant que c’était bien là et moi, comme un imbécile, je ne le voyais pas!

charenton3

Caillou, 24 septembre 2010

Il est le premier homme photographié de l’Histoire.

eaunes petit

Le boulevard du Temple à Paris. 1838. Daguerréotype sur pleine plaque de cuivre.
Munich, Bayerisches National Museum.

Au mois d’avril 1838, le directeur du Diorama, Jacques-Louis-Mandé DAGUERRE, inventeur de la photographie avec Nicéphore NIEPCE, fait une prise de vue depuis la fenêtre de son appartement, au 5 de la rue des Marais, à Paris. Cette maison est attenante à son Diorama. La place de la République n’existe pas encore. Il fait cette photo selon le principe du Daguerréotype, une plaque de cuivre sensibilisée, exposée, puis développée et fixée. L’avantage de son invention est que le temps d’exposition passe de plusieurs heures à quelques minutes,  l’inconvénient que cela ne donne qu’une épreuve unique.
Sur cette photo le boulevard du Temple (vu depuis l’actuelle caserne de la place de la République) semble désert alors qu’il est en pleine activité.
Mais toute cette agitation a disparu car son temps de passage a été plus rapide que le temps de la prise de vue. Il y a toutefois, et Daguerre ne s’en est pas aperçu immédiatement, un homme en bas, à droite, la jambe pliée sur une borne d’eau, qui est visible. Il a dû rester immobile pendant au moins une dizaine de minutes et a laissé une trace sur la surface sensible. Cet homme est le premier homme photographié de l’Histoire. Mais il ne le sait pas. L’année suivante, le 7 janvier 1839, la naissance officielle de la photographie est reconnue par l’Académie des Sciences et Louis Arago. Elle va bouleverser totalement le regard des hommes sur le monde.

On peut lire sur ce sujet:
http://www.niepce-daguerre.com/boulevard_du_Temple_de_dag.html
où l’auteur a analysé, trouvé le point de vue et reproduit l’exacte épreuve de 1838.

ainsi que
http://www.midley.co.uk/Harmant/pghIncendieDio.htm
qui parle de l’incendie du Diorama, en 1839, de la vie de Daguerre.

Je les en remercie tous les deux!

Caillou le 3 septembre 2010

Je suis le premier homme et je ne le sais pas.

Dans le petit matin du 5 avril 1838, quand je quitte Lison, cette femme adorable,  je flâne quelques instants sur le trottoir mouillé du boulevard du Temple, le boulevard “du crime”. J’ai tout mon temps. Il fait beau. Et je regarde tout autour de moi, encore mal réveillé, l’agitation frénétique du peuple de Paris. On me bouscule un peu. Je gêne le passage, au milieu des passants pressés, moi qui ne le suis pas.

Lison est amoureuse et je suis son amant. Ses longs cheveux si blonds tournent autour de ma tête et j’en suis étourdi. Toutes les nuits sont pour elle comme première nuit du monde. Elle se love contre moi, je me noue, elle me mord, mon désir est toujours insatiable et jamais rassasié. Son envie est brutale et j’en suis la victime bien plus que le vainqueur. Nous nous aimons d’abord par la peau, par le ventre… Mais Lison n’est pas seule. Elle se traîne un mari et ce matin je pars pour la laisser dormir.

8 heures, et je suis là, le pied sur cette borne et je ne bouge pas. Je rêve. La vie est belle et je l’ai devant moi. Que vais-je faire aujourd’hui ? Où vont aller mes pas ? Je dois voir un client de passage à Paris, un provincial qui n’est jamais encore monté traîner ses guêtres dans la grande capitale. Nous irons déjeuner tous les deux à midi. Je lui montrerai des échantillons et nous ferons affaire, autour d’un café parfumé à la terrasse d’un bistro vers le Palais Royal. Puis, s’il le veut bien, je lui ferai faire le tour des boulevards, s’encanailler près des chanteuses grivoises, des diseuses de bonnes aventures, peut-être même entrer dans une de ces baraques de foires où des gitans mielleux aux grandes rouflaquettes montrent des monstres noirs, des sosies de ministres, des clowns faisant les pitres.

Mais j’ai du temps à tuer avant ce rendez-vous. Je compte en profiter, me promener, passer rue des marais devant le Diorama, le palais fantaisiste de Daguerre et Bouton. J’y suis allé la semaine dernière, avec deux amis, et nous en sommes sortis vraiment émerveillés. Ces grandes scènes peintes qui bougent dans une lumière irréelle nous ont fait découvrir d’autres mondes possibles. On parle de ce Monsieur Daguerre comme d’un très grand savant.

Avec ma redingote noire posée là, sur mon bras, mon chapeau sur la tête, je suis le roi du monde après cette nuit d’amour. Tout autour cela court, s’interpelle, va et vient. Les Parisiens pressés s’en vont à leurs travaux et je suis bien le seul à humer l’air du temps. Les carrioles roulent sur les pavés tirées par des chevaux aux sabots d’étincelles. Elles viennent des Halles, le ventre de Paris, et s’en vont alimenter tous les marchés couverts où déjà crient les marchands de légumes. Les derniers fiacres noctambules remontent vers le Château d’eau, descendent vers les bords du canal Saint-Martin. Moi je suis et demeure et je ne bouge pas.

Lison doit être en train de faire son lit à l’homme, ce gros bourgeois ventru qui lui sert de mari. Il croit la réveiller lui qui sort du bordel. Elle fait semblant c’est tout et moi je suis fou d’elle. Pourtant, demain, après demain, dans quelques jours je pars. Je vais en Algérie, nouvel Eldorado, faire fortune en 6 mois ou crever dans un lit. Depuis 1830 et le débarquement de Sidi-Feruch, cette nouvelle colonie attire tout ceux qui rêvent de réussir. Moi aussi. J’y jouerais mon avenir: la malaria qui tue des milliers de colons ou bien l’argent facile et puis je me marie! Dans un éclair de lucidité pure, dans ce matin d’avril, je sens ma vie ouverte à des choix infinis.

Huit heures et quart, je me secoue, je réagis enfin, je me retourne, traverse le boulevard et disparais dans la rue de Bondy.

Je suis le premier homme et je ne le sais pas.

Et vous, le savez-vous?
Dans quelques heures ou jours j’expliquerais tout ça, mais laissons-le partir…
Caillou, le 2 septembre 2010.

La solution : http://cailloutendre.unblog.net/?p=1492

Petit tour en utopie : Cravirola

Lorsque nous montons, avec Céline, vers Minerve, au fur et à mesure des lacets, la vallée de l’Aude immense, derrière nous, se découvre jusqu’aux Pyrénées. Il y a ce matin un ciel d’une grande pureté, une transparence de l’air, comme un premier jour tout neuf au sortir de cet interminable hiver. Minerve, sur un promontoire du causse, est un village du moyen âge, de toute beauté, isolé par les canyons de la Cesse et du Brian. Il est aujourd’hui, jour de semaine du mois de mars, presque désert. Un village comme les autres, mais que je me rappelle avoir traversé, il y a quelques années, envahi par les touristes, comme les criquets du Sahel.
Après avoir traversé la rivière nous grimpons sur un plateau rocailleux, en plein soleil. La route vire dans la garigue entre les petits chênes kermès et les rochers calcaires. Sur le côté gauche se déroule la magnificence des paysages grandioses. C’est une route qui ne mène nulle part, ou juste vers des hameaux, des fermes isolées.
Nous arrivons enfin au bout du plateau. Une légère descente puis nous pénétrons dans un domaine agricole. Je me gare à l’entrée, dans un parking de terre rouge. Tout autour de nous rocailles et bosquets. Plus loin un camping vide, en construction, au milieu des chênes espacés, puis le chemin, surplombant une sorte de piscine, nous mène aux bâtiments de la coopérative Cravirola. Nous prenons nos appareils photos respectifs.

Deux corps de bâtiment. À droite les chambres d’hôtes, le restaurant, la cuisine pour le gîte, et, en face, la maison des compagnons, avec leurs chambres, leur cuisine, la salle de réunion. Les compagnons ce sont les volontaires qui viennent aider l’équipe de Cravirola pour quelque mois. De l’autre côté de ce bâtiment, une grande terrasse ensoleillée. Nous sommes accueillis par V… .

Le but de notre visite ? Découvrir et faire des images d’une communauté de vie et de travail qui fonctionne et se développe. Quelques minutes plus tard il nous confie à I…, une jeune femme originaire de Normandie, qui, toute la matinée, nous guide dans les différents lieux de la coopérative.
Nous allons tout d’abord près de la falaise, une sorte de canyon spectaculaire avec, tout au fond le lit de la rivière Cesse. De l’autre côté, en contre jour, d’autres falaises, d’autres collines puis la plaine vaporeuse et la chaîne toute blanche au fond. Un lieu de bout du monde !
Puis nous nous dirigeons vers la bergerie. Je branche mon magnétophone. C’est I… qui parle.
… là il y a les petites brebis qui sortent, là nous allons faire des patates… Je vous présente Jérémie qui s’occupe des chèvres et de la bergerie…
– Comment vous décidez les choses ?
– Tous les jeudis il y a des réunions pour voir tout ce qu’il y a à faire, comment on s’organise, Et tous les lundis il y a une réunion des seuls permanents. Tout le monde donne son avis… C’est collectif.

– Et dans cette réunion du jeudi les permanents et les compagnons, les différents statuts, ont le même droit à la parole ?
– Oui, mais en tant que compagnon, comme on ne connaît pas encore tout, on ne peut pas donner son avis sur tout…
– La parole n’est pas prise en compte de la même façon ?

– Si, elle est écoutée et prise en compte mais on ne la prend que si on connaît bien le sujet. On ne peut pas juger sur tout, surtout si on est là depuis peu de temps.
Nous contournons le bâtiment par la gauche. Je vois 2 jeunes hommes qui s’affairent sur l’avant d’un bulldozer. Ils positionnent et soudent une fourche.
– Quelle est votre production ?
– C’est le fromage, avec le marché de C
annes, celui de Narbonne, d’Olonzac…. Sinon c’est l’accueil, l’été, les gîtes, le restaurant, le camping. Nous organisons un petit festival… Mais notre activité principale c’est le fromage. Tout est produit en agriculture biologique. Nous vendons aussi du bois car nous éclaircissons le maquis, et puis un peu de viande…
– Mais cela ne permet pas de faire vivre 15 personnes !
– Oh, pour le fromage, ce n’est pas un petit stand. Il y a une grande diversité de fromages. Le plus intéressant c’est le marché de Cannes.

En fait les coopérateurs de Cravirola vendaient sur ce marché quand ils vivaient  dans les Alpes, c’était leur marché. Et, maintenant qu’ils se sont installés dans le Minervois cela continue.
– Nous livrons les fromages une fois par semaine et il y a un ami qui habite là-bas qui vend sur le marché de Cannes. On y va par roulement. C’est vrai que cela tourne ! Et puis nous tenons des stands sur des festivals, par exemple celui de GaroRock. Pour la viande, même si nous en vendons parfois à des particuliers, elle est surtout transformée et servie au restaurant, pendant les périodes d’été. Ici il y a du travail pour tout le monde, tout le monde a sa tâche. Il faut juste trouver son chemin, et ce n’est pas évident.
Au-dessus des bâtiments, on voit des caravanes, les habitations des uns et des autres.
– En ce moment il n’y a que deux personnes, des permanents, (ceux qui se désignent ainsi sont les membres de la coopérative) qui vivent dans la maison. Tous les autres logent dans des caravanes ou des cabanes. C’est chacun chez soi. Mais comme le froid a été un peu violent, exceptionnellement, il y a V…  M… et les 2 petites qui sont dans la maison. Dès qu’il fera vraiment beau, ils vont réintégrer leur caravane…
Nous prenons un chemin qui monte dans les bois, longeant une sorte de cimetière de ferrailles rouillées.
– Mais c’est très grand en fait !
– Oui, et cela monte jusqu’à « Bois-Haut »
.
Nous passons devant des cochons. Ce sont des cochons noirs du Périgord. Plus loin des vaches nous regardent, dans une sorte d’enclos. Puis nous pénétrons dans la bergerie.
– Là, il y a les chèvres et les brebis, l’espace pour les vaches, avec l’endroit où l’on fait la traite… Pour les chèvres, celles qui ont des colliers rouges, c’est qu’elles ont déjà mis bas. Il n’en reste plus beaucoup à attendre.
Et cette odeur ! Odeur de foin et d’animaux… Nous ne l’aurons pas sur nos photos l’odeur !
Plus tard nous visitons la fromagerie.
B… , une des « fromagères », une des fondatrices aussi, nous explique qu’il y a 2 réunions par semaine. L’une pour les permanents, car les gens qui ne sont que de passage ne peuvent pas donner leur avis sur les investissements, les grands choix stratégiques, et l’autre, le jeudi, qui est ouverte à tout le monde, où tout le monde peut donner son grain de sel, où tout le monde est écouté, mais qui s’occupe surtout du programme de travail de la semaine, des priorités.
Concernant les questions que nous lui posons sur la rentabilité de l’entreprise, B…  dit qu’il y a beaucoup de production et qu’en étant plus nombreux la charge de travail est allégée car elle est répartie. Même si travailler avec des non-professionnels, tourner beaucoup sur les tâches n’est pas un facteur de rentabilité, au contraire.
K… , une autre permanente, précise que Cravirola n’est pas une entreprise très rentable. La rentabilité correcte est  liée à une gamme de produits très variés et des lieux de distribution où peuvent se pratiquer des prix relativement élevés. C’est du commerce équitable. Ici, un fromage bio fermier, ne peut pas être vendu le même prix qu’un camembert de discount.
Pour leur production, il y a des fromages lactiques, à pâtes molles et à pâtes dures. Le premier, le lactique, c’est par exemple celui de chèvre, le second le camembert, le troisième les pâtes pressées, celles appelées tomes. Mais comme dans chaque variété il y a plusieurs sortes de lait possibles, chèvres, vaches et brebis, on peut faire des cumuls, des mélanges, un grand nombre de fromages différents. Et c’est ce qu’ils font. De fait nous pouvons voir sur les rayonnages un grand nombre de variétés.
– Vous avez beaucoup de visiteurs ? Une structure comme la vôtre est-ce que cela suscite la curiosité?
K… : Les gens qui viennent nous voir ? Il y a quelques années c’était plutôt des marginaux et maintenant ce sont plutôt des gens qui se préoccupent d’orienter différemment leur vie, des personnes sensibles à l’écologie et aux modes de vie alternatifs dont l’idée n’est plus aussi confidentielle qu’avant
I… nous fait ensuite visiter le chantier du camping. L’équipe y installe, à la demande des pompiers une réserve d’eau, des bornes avec des robinets, des tranchées pour lutter contre l’incendie, le mettre aux normes. En contrebas, le potager, très grand, est pour l’instant encore un peu vide, avec trois rangées de poireaux et quelques betteraves…
Puis nous faisons un petit tour vers les caravanes. Nous remontons un chemin dans le bois. Elles sont posées assez loin les une des autres avec des espaces aménagés. Il y a en une dizaine. Certaines sont plus grandes, d’autre toutes petites. En haut une cabane construite derrière une ancienne camionnette Citroën G7. Cette inventivité dans la construction d’une cabane me fait penser au village alternatif du Bourdigou. (*)
Dans la maison, nous visitons les chambres d’hôtes et la partie habitation des compagnons. De quoi loger 8 à 10 personnes, avec une cuisine aménagée, salle de bains et WC.
En fin de matinée nous prenons un thé sur la grande table au soleil. Nous discutons avec B… J’en retiens une grande phrase. Elle dit qu’ils s’engueulent très souvent sur les applications du principe mais pas sur le principe lui-même et que c’est très sain de s’engueuler.
Je demande : Comment sont intégrés les gens qui arrivent ? Ils sont reçus? Refusés? Est-ce que vous croulez sous les arrivants? J’évoque ce qui se passait dans les communautés des années 70 qui croulaient l’été sous les arrivées massives des gens de passage…
I… : Pour le compagnonnage, il y a déjà moins de demandes que pour les chantiers. Les chantiers c’est une première approche et les gens qui passent voient s’ils ont ensuite envie d’aller plus loin. Et puis il y a aussi le choix des permanents… Il faut trouver sa place.
– Il y a des sas d’entrée ?
– Oui, on peut faire une demande de compagnonnage et être refusé. D’autant qu’il y a toujours un temps entre un chantier et un compagnonnage. Pour se retrouver un peu… Parce que vivre tout le temps dans le passage, cela peut être pesant. On peut s’y perdre.
– C’est énorme un chantier tous les mois !
– Oui c’est lourd. Mais Cravirola a beaucoup d’expériences dans ce type d’accueil bénévole…
K… précise:  Depuis un moment déjà et devant le nombre croissant de visiteurs candidats à nous rejoindre, nous avons dû poser des cadres, des cases obligatoires par lesquels il faut passer pour s’intégrer au groupe. Ce sont les chantiers solidaires (15 jours passés sur la ferme à nous aider) puis le compagnonnage, de trois mois, si volonté réciproque, puis renouvellement du compagnonnage, jusqu’à intégration dans la coopérative. Cela c’est la théorie, en pratique, les étapes sont parfois sautées, ou au contraire des gens intégrés finissent par partir au bout d’un an ou deux parce que finalement cela ne leur convient pas. C’est très difficile de vivre en collectif et le niveau d’investissement personnel pour un projet aussi ambitieux que le nôtre correspond réellement à très peu de personnes.
Cravirola, la coopérative Cravirola, c’est un groupe de gens, le groupe des permanents, une structure informelle, pour laquelle il n’existe pas dans la législation française de chose correspondante. Le kibboutz en Israël serait ce qui s’en rapprocherait le plus peut-être. Elle s’appuie sur des structures juridiques existantes : une SARL SVOP pour toutes les activités agricoles et commerciales, une association loi 1901 pour les activités culturelles, d’environnement et bénévoles. Pour la propriété, la SAS « Terre Commune », c’est autre chose, c’est la structure propriétaire du lieu, et de deux autres fermes, notre ancienne ferme dans les Alpes, et celle, en Ardèche, également gérée par un collectif autogéré. Les trois groupes qui gèrent les trois fermes sont locataires de Terres Communes. Mais comme tout propriétaire, Terres Communes n’a pas droit de regard sur ce que font ses locataires, sinon qu’ils respectent une charte, être organisé en collectif autogéré, faire de l’agriculture paysanne une de leur activité principale, ne pas être sectaire.
Et puis K… conclut :
Les éléments très importants dans Cravirola sont
– La mise en commun totale de l’argent. Personne n’a d’argent privé. Toutes les recettes sont partagées sans forme de répartition ni de contrôle parmi les permanents.
– L’autogestion. Nous n’avons pas de chef désigné. Même si certains ont bien sûr des niveaux de responsabilités différents, des personnalités plus ou moins autoritaires et que cela est un combat quotidien.
– La libre association, le fait de vivre et de travailler avec des gens que l’on a choisis.
– Et bien sûr « Terres Communes », une forme d’a-propriété, la terre n’appartient à personne, sinon à une belle idée.

À midi nous mangeons avec toute une partie de l’équipe. Il y a de la tarte aux poireaux, une très belle omelette. D’autres arrivent plus tard, ce sont plutôt des hommes qui travaillaient, je crois, à la préparation du terrain pour les patates et pour décharger un camion de matériaux pour le chantier. Il fait très beau et la terrasse, orientée vers le Sud, est toute chaude. Je sens, entre eux, beaucoup de complicité, de silences tranquilles. Est-ce notre présence qui les retient ? Mais j’ai plutôt l’impression que c’est le mode naturel entre eux, sans éclats de voix, calmement, tranquillement, manger ensemble au soleil…
Quand nous repartons, quand on roule vers la plaine, j’ai la sensation d’avoir vécu un moment rare. Une utopie en marche… Vivre et travailler ensemble, sans être propriétaire du sol, en se partageant les bénéfices, en construisant quelque chose de durable et de sain, tout en étant rentable… Est-ce réalisable partout et dans la durée ? Est-ce transposable ? Je ne connais pas toutes leurs difficultés, mais il me semble qu’en tout cas c’est une expérience formidable qui se construit là, dans le causse de Minerve.

Pour en savoir plus sur ce projet on peut aller visiter le site web : http://www.cravirola.com/
Sur l’histoire du Bourdigou, on peut lire :
http://www.languedoc-roussillon.culture.gouv.fr

Mais sur la lutte des dernières années du village du Bourdigou je ne trouve rien sur le net.
Il faut se procurer le livre « Bourdigou : Massacre d’un village populaire -Vinça : Chiendent, 1979. – 196 p. ISBN 2-85-999-004-6. » qui, je pense, est épuisé depuis longtemps.

Caillou, le 8 avril 2010

Pressé comme un centre d’appel

SONY DSC

Pressé comme un citron contre la vis en verre
Pressé comme un lavement, comme un poisson ouvert
Pressé comme l’usager des transports en commun
Pressé comme un enfant qui ne comprend plus rien

Tu te sens ce matin la bouche pleine d’aphtes
Et couvert d’eczéma de peur que l’on te cafte
Car t’as pris un peu d’temps juste entre deux appels
Juste le temps d’un regard vers le ciel qui t’appelle

Mais la boite est vendue à quelques fonds d’pensions
Elle est maintenant gérée par les Américains
L’Europe l’a voulue, on vole les citoyens
La mise en concurrence est un leurre pour les cons.

SONY DSC

Pressé par des délais devenus autoritaires
Pressé par les contrôles des chefs qui s’exaspèrent
Pressé par l’écouteur vissé dans les oreilles
Le micro sur les lèvres, tu cries dans l’appareil

L’écran devant tes yeux montre le temps qui fuit
Tu dois finir ta phrase dans 2 secondes et demie
Mais ce connard te coupe. Le v’la qui t’injurie
Et tu le prends pour toi. C’est toi qui le pourris

Mais la boite est vendue à quelques fonds d’pensions
Elle est maintenant gérée par les Américains
L’Europe l’a voulue, on vole les citoyens
La mise en concurrence est un leurre pour les cons!

SONY DSC

Pressé d’en terminer tu refais un effort
Le bruit du téléphone traverse tout ton corps
Et tu l’entends crier dans une chambre vide
Pourras-tu dire pas cœur ce discours si limpide ?

La fenêtre est ouverte dehors il fait si beau
Encore une fois rentrer dans le petit studio
Où personne ne t’attend, où personne ne t’aime
Puis revenir demain s’accrocher à la chaîne

Mais la boite est vendue à quelques fonds d’pensions
Elle est maintenant gérée par les Américains
L’Europe l’a voulue, on vole les citoyens
La mise en concurrence est un leurre pour les cons!

SONY DSC

Et c’est encore une fois un client qui raccroche
Le cadre est là debout et les poings dans les poches
On t’as bien dit “sourire”! Tu est bouché ou quoi ?
On fait pas l’objectif et c’est à cause de toi !

Tu avais un métier du temps des télécoms
Tu n’est plus qu’un emploi que l’on peut mépriser
Ton savoir est parti dans les boîtes privés
Et toi tu te sens bête, juste avant qu’on te gomme

Mais la boite est vendue à quelques fonds d’pensions
Elle est maintenant gérée par les Américains
L’Europe l’a voulue, on vole les citoyens
La mise en concurrence est un leurre pour les cons!

SONY DSC

Non ce n’est plus possible, y’a plus de solution
Tu t’approches du vide, c’est au cinquième étage
tu te jettes et tu meurs ! Mais tu sors de la cage
Et pour les grands patrons il n’y a pas de sanction

Le temps se rétrécit et ton sang est très rouge
L’argent devient le maître absolu de nos vies
L’entreprise qui t’étrangle et t’arrache ta vie
Disparaîtra bientôt ! C’est le monde qui bouge

Mais la boite est vendue à quelques fonds d’pensions
Elle est maintenant gérée par les Américains
L’Europe l’a voulue, on vole les citoyens
La mise en concurrence est un leurre pour les cons!

Caillou, 17 décembre 2009