Militantisme ou temps perdu ?

affichepcf
Une lettre de Madeleine, de 1949: Militantisme ou temps perdu ?

C’est dimanche, un dimanche comme les autres.
Voila juste 5 heures que tu es parti à ta réunion de cellule. Vers midi 30, après avoir lavé et nourri le bébé, j’ai sorti du feu mon riz cuit à point et je me suis mise à t’attendre. Depuis, de demi heure en demi heure, j’ai remis, ôté, remis sur le feu mon riz refroidi, brûlé, desséché, immangeable… Puis j’ai commencé à tourner en rond comme un lion en cage. Tu ne rentrais toujours pas; le bébé s’était mis à pleurer, de ce petit cri énervé toujours le même qui, doucement, tout doucement vous rendrait fou. Exactement au même rythme, ma rage commençait à tout envahir, à tout étouffer…

Continuer la lecture de Militantisme ou temps perdu ?

Dans le coton

Dans le coton tout blanc… je n’y vois plus rien et j’entends à peine.
Juste un vague écho d’aspirateur dans un couloir au loin.

Dans le coton tout blanc, je ne me sens plus, plus de bras, plus de jambes, plus de peau… Je ne sens même pas le drap ou la toile qui me touche. Je ne sens rien.
Ai-je mal ? Faudrait faire le compte. Un par un voir ce qui va et ce qui ne va pas. Mais comment faire un inventaire sans voir et sans ressentir. Dans le blanc du coton, il y a comme une lueur plus forte, un peu, sur le côté. Peut-être une fenêtre? Dans une vague, très vague coloration du blanc, un peu plus froide peut-être, c’est certainement une fenêtre, vers la droite, mais comment le savoir ?

Et si je parlais ? Pourrais-je m’entendre ? Mais je n’en ai pas la force. Je crois que c’est bloqué. Il y a un poids sur ma mâchoire. Je sens tout le bas du visage écrasé, tenu, par un étau. Et bien tu vois bien que tu sens quelque chose ! Et ma langue, dans ma bouche ? Non je ne sens plus rien?

L’aspirateur s’est éteint ! J’entends une porte s’ouvrir et des pas nerveux qui s’approchent. Il y a quelqu’un, tout près de moi. Je me fais la réflexion (toute intérieure mais je ne peux pas rire) que finalement j’entends quand même. C’est rassurant ! Et j’entends une voix de femme qui me parle tout près. Elle a dû se baisser. Je dois être allongé. Va savoir. Monsieur, Monsieur, vous m’entendez ? Si vous m’entendez serrez un peu ma main… Il y a une main ? Où ça ? Et la serrer comment ? Et puis je sens, mais cela vient de loin, de très loin, comme quand mon père remontait de la cave avec les deux casiers de bouteilles qui bringuebalaient, un mouvement quelque part du côté gauche, en bas. Elle doit avoir pris ma main dans la sienne et attendre que je me manifeste…


C’est très bien, très bien, Monsieur. Je reviens tout de suite.

Et je l’entends partir en courant vers la gauche.
Elle sort de la chambre sans refermer la porte.
Dans le coton tout blanc où je gis en silence.
Elle appelle un interne, revient immédiatement.
Ne bougez pas, Monsieur. Ne vous affolez pas.
Je suis là près de vous.

Et elle reprend ma main.
Moi je m’appelle Alice.
Où donc est le miroir, le pays des merveilles ?
Je suis une infirmière.
Il faut vous retenir, m’écoutez, ne pas vous endormir.
Vous êtes aux urgences de l’hôpital Rangueil.
Ne vous endormez pas !

Et voilà le docteur. Je ne vois rien. J’entends autour de moi des gens qui s’agitent.
Préparez le cumulo, dégagez les nimbus !
Il a une voix ce type !
On l’embarque tout de suite ! Les stratos, on se grouille !
On me soulève d’un coup. Je suis dans une coquille.
Nettoyez-moi ce sang ! Le cirrus est-il prêt ? Oui monsieur…
Cela roule, j’entends des claques aux portes et dans mon coton blanc
la voix d’Alice à mon oreille :
Un moment d’équilibre,
C’est maintenant ou jamais,
mais nous allons ensemble
Vous sortir de là !

Caillou le 26 septembre 2007

Au temps perdu

Pour Virginie

C’est une boutique un peu bizarre que j’ai découverte un jour où je me promenais tout en haut de la côte, vers le cimetière. Dans cette avenue qui grimpe toute droite, la vue sur la ville est toujours aussi belle et j’y vais parfois passer quelques instants sur un banc que je connais, sur une place bordée de magasins de pompes funèbres.

Mais cette boutique n’était pas comme les autres. Il n’y avait ni fleurs ni tombes en devanture mais sous son enseigne, Au temps perdu, une vitrine où l’on pouvait voir l’intérieur. Et elle n’était pas grande. Elle avait dû ouvrir quelques semaines plus tôt car je ne l’avais pas remarquée auparavant.

Continuer la lecture de Au temps perdu

La rafle

La rafle

Je tiens le mur, pas loin d’ici
Nous sommes nombreux dans ce pays
J’n’ai pas d’boulot, j’n’ai pas d’argent
et je regarde passer les gens

Le matin maman m’fous dehors
une fois qu’les petits sont partis
Elle fait l’ménage, alors je sors
J’n’ai rien à faire et j’m’ennuie

Le mur est l’abri d’la pluie.
J’ai mes copains, on joue, on rit
face à l’école de mon quartier
On reste là toute la journée

C’matin à l’entrée du ghetto
venu se poster là très tôt
y’avait trois cars de CRS
Le copain m’a dit : Pour qui est-ce ?

Et sur la grille de l’école
était accrochée une banderole :
Ne touchez pas à nos enfants
Et des parents étaient devant

Il n’y a pas eu de sommation
Et sans la moindre hésitation
les flics ont chargés dans la foule
Et leur chef avait bien les boules

Il a désigné l’enseignant
qu’ils ont saisi en le tenant
mains dans le dos et par le cou
Et les enfants hurlaient partout

Ils étaient venus pour chercher
les 2 enfants d’un sans-papier
qui habite juste en bas d’chez moi
Une famille qui n’a pas de droit

Qui vient d’un pays très lointain
et où les gens crèvent de faim
tandis qu‘on envoie du pognon
à tous leurs dirigeants bidon

Les parents se sont allongés
tenant les 2 enfants serrés
Ils criaient pas en notre nom !
Ils sont sous notre protection !

Comment sortir de ce merdier
se demandaient les policiers
Maintenant qu’il y des journalistes
pour sortir il nous faut l’Ministre

Tandis qu’ils le t’nait par les cheveux
Le maître a crié : Heurtefeux !
ministre de l’immigration
tu n’as de français que le nom

Ton gouvernement de Pétain
rafle les enfants clandestins
comme il raflait pour le Vel’d’hiv
les français de religion juive

Mais moi je n’y comprenais rien
J’ai peur des flics ça c’est certain
C’est sur que c’est eux les plus fort
Alors jtiens l’mur et je fais l’mort

Caillou 9 septembre 2007

L’unique et sa propriété

Je ne suis qu’une brindille
petit bout d’espace et de temps
qui virevolte et qui sautille
bousculée par tous les vents
Et pourtant je suis unique
dans ma peau il n’y a que moi
je ne joue pas dans la clique
des nations qui font les lois
Vive le Je, vive le Moi
Je n’ai qu’une vie c’est la mienne
Je suis le chef de mes choix
de mes amours et de mes haines

Si je suis seul, toi aussi
c’est notre lot, c’est notre loi
mais on peut le vivre ainsi
sans avoir peur, sans avoir froid
Si tu sens le monde entier
d’ouvertures et de possibles
dans cet élément que tu es
chante alors cet indicible
Vive le Je, vive le Moi
Je n’ai qu’une vie c’est la mienne
Je suis le chef de mes choix

de mes amours et de mes haines

Je voudrais que l’on s’unisse
cela nous rendra plus fort
sans se perdre dans les délices
de la fusion et de la mort
Nous ne sommes pas des masses
mais des éléments conscients
contre les partis et leurs traces
nous chantons allègrement
Vive le Je, vive le Moi
Je n’ai qu’une vie c’est la mienne
Je suis le chef de mes choix

de mes amours et de mes haines

Caillou. 2007

Modeste hommage à Max Stirner, philosophe allemand 1806-1856.

C’est une chanson du nouveau CD du groupe « la Teigne », que nous venons de terminer, et qui va bientôt être à la vente. Pour plus d’informations aller voir sur:
http://teigne.musicblog.fr

Merlinette!

debarquement-foux-petit

Ta gourmette avec ton matricule gourmette-petit

C’est sur une photographie prise pendant le débarquement en 1944 sur une plage de Provence… un peu ridicules avec le casque de travers et ces énormes sacs à dos, les musettes, les pantalons trop larges… qu’apparaissent les premières femmes dans l’Armée Française. Et tu en étais.
Madeleine, Merlinette! C’était ta fierté mais tu n’en parlais pas, très peu. Juste l’œil un peu brillant, en 64, pour le vingtième anniversaire de la libération de Paris. J’ai retrouvé tes insignes, ton carnet de chants, quelques lettres, des photos, des cartes postales. J’ai reconstitué un peu de cette histoire oubliée : La France libérée par une armée d’arabes, de noirs, de métèques, de pieds-noirs, et… de femmes !

L’Armée d’Afrique ?
Si vous savez déjà tout sur l’Armée
d’Afrique, le C.E.F.I, la Première Armée Française, puis Rhin et Danube… vous pouvez sauter l’article suivant, en rouge, et passer tout de suite à l’article sur les Merlinettes, en vert.

Continuer la lecture de Merlinette!

Le miroir

Les volets sont fermés devant la fenêtre ouverte.

Des volets en fer, qui se plient, avec, tout en haut 4 fentes, de chaque côté, qui laissent passer des rayons de lumière empoussiérés dans la pénombre de la salle à manger. Un haut fauteuil recouvert d’un drap fait face à la cheminée surmontée d’un immense miroir, caché derrière un voilage de tulle noir, montant jusqu’au plafond.

Continuer la lecture de Le miroir

Les casinos sont d’étranges cathédrales hors du temps, sans pendules ni fenêtres…

À Toulouse, en amont de la ville, de part et d’autre de la Garonne, deux bâtiments en construction vont bientôt être mis au service du public.
Du côté Empalot, une mosquée. Bonjour aux enfants que l’on dresse à apprendre des inepties par cœur en oscillant du tronc, des heures durant, les yeux fermés. Qu’ils soient musulmans, juifs, chrétiens ou bouddhistes ne changent rien à l’affaire… C’est le mouvement des autistes, les TICS, qui fait se ressembler les apprentis de toutes les religions!
Curieuse coïncidence, de l’autre côté de ce bras du fleuve, sur un terrain dévasté par l’explosion d’AZF, se termine aussi la construction d’un gigantesque casino. Le jeu d’argent est interdit en France sauf dérogations, aussi nombreuses que variées et dont « le groupe Lucien Barrière » (un ami de notre Président qui n’a que des amis) profite allègrement.
On apprend à y faire les mêmes mouvements répétés…

Continuer la lecture de Les casinos sont d’étranges cathédrales hors du temps, sans pendules ni fenêtres…